L'âme de la France
indépendante, et garantir l'autonomie énergétique au moyen des centrales nucléaires.
Quarante années plus tard, malgré le renoncement de fait aux ambitions gaulliennes pratiqué par les successeurs du Général, les directions choisies par de Gaulle sont encore visibles, même si elles commencent à s'effacer, en ce début du xxi e siècle, et si l'on s'interroge pour savoir s'il convient de les prolonger.
La persistance – la résistance – des choix gaulliens, malgré leur remise en cause, est encore plus nette en politique extérieure.
La cohérence du projet gaullien en ce domaine s'appuie d'abord sur une lecture de l'âme de la France.
« Notre pays, dit de Gaulle, tel qu'il est parmi les autres tels qu'ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. »
Ce qui se traduit en politique extérieure par l'affirmation de l'indépendance et de la souveraineté.
Cela ne signifie pas le refus des alliances et de la solidarité à l'égard des nations amies. Ainsi, en 1962, de Gaulle a manifesté aux États-Unis de Kennedy, engagés dans une confrontation dangereuse avec l'URSS à propos de missiles installés à Cuba, un soutien sans équivoque.
Il a de même affirmé, par le traité de l'Élysée signé en 1963, sa volonté de bâtir avec l'Allemagne une relation privilégiée et déterminante pour l'avenir de l'Europe.
Il n'envisage pas l'Europe seulement dans le cadre de la Communauté européenne. Il veut une « Europe européenne » « de l'Atlantique à l'Oural », c'est-à-dire qu'il se place au-dessus du « rideau de fer » idéologique, politique et militaire qui sépare une Europe démocratique sous protection et domination américaines d'une Europe colonisée par les Soviétiques.
De Gaulle veut que la France soit à l'initiative du dégel. Pour cela, elle doit ne pas dépendre des États-Unis, et s'il refuse l'entrée du Royaume-Uni dans la CEE, c'est qu'il estime que Londres est soumis à Washington et son agent en Europe.
Il faut donc que la France brise tout ce qui crée une sujétion à l'égard des États-Unis.
En 1964, premier État occidental à oser le faire, de Gaulle reconnaît la Chine communiste.
La même année, il effectue une tournée en Amérique latine, invitant les nations de ce continent à s'émanciper de la tutelle américaine – « Marchamos la mano en la mano », dit-il à Mexico.
En 1966, il renforce la coopération avec Moscou. Mais c'est « la France de toujours qui rencontre la Russie de toujours ». Il visitera la Pologne, et plus tard la Roumanie.
Nation souveraine, la France estime que les idéologies glissent sur les histoires nationales et que celles-ci ne peuvent être effacées.
La nation est plus forte que l'idéologie.
Mais l'acte décisif, qui change la place de la France sur l'échiquier international – et pour longtemps –, est accompli le 7 mars 1966 quand de Gaulle quitte le commandement intégré de l'OTAN, exige le départ des troupes de l'OTAN qui séjournent en France et le démantèlement de leurs bases.
La France vient d'affirmer avec force sa souveraineté. Elle dispose de l'arme atomique. Elle construit des sous-marins nucléaires lance-engins ; elle est donc indépendante. Elle retrouve, selon de Gaulle, le fil de la grande histoire.
Preuve de son autonomie diplomatique au-dessus des blocs : il se rend à Phnom Penh, et, dans un grand discours, invite les États-Unis à mettre fin à leur intervention militaire au Viêt Nam.
Ces prises de position scandalisent : les uns hurlent de colère, les autres ricanent, affirment que la France n'a qu'une diplomatie de la parole et du simulacre.
Les centristes (Jean Lecanuet) et les indépendants critiquent cette politique extérieure qui fait naviguer la France entre les deux icebergs de la guerre froide. Ces formations politiques s'apprêtent à assortir leur soutien à de Gaulle de profondes réserves. Ce sera, en 1967, le « Oui... mais » de Giscard d'Estaing, qui ainsi prend déjà date pour l'après-de Gaulle.
La gauche et l'extrême gauche, où l'antiaméricanisme est répandu et où l'on crée des comités Viêt Nam, n'appuient pas pour autant de Gaulle, à la fois pour des raisons politiciennes – il est « la droite » – et parce que l'idée de nation souveraine leur est étrangère.
En outre, en se rassemblant et en élaborant un programme – Mendès France et Michel Rocard en discutent lors de divers colloques,
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