L'âme de la France
tradition nationale et l'idéologie gauchiste qui se réclame du marxisme, du trotskisme, du castrisme et du maoïsme.
En fait, comme en de nombreux autres pays (États-Unis, Allemagne, Italie, Japon, par exemple), la jeunesse issue du baby-boom d'après guerre entre en scène.
En France – particularité de l'âme de la nation –, elle interprète un simulacre de révolution.
La genèse en a été la protestation de quelques étudiants organisés dans des mouvements minoritaires, celui du 22 mars ou ceux relevant de la mouvance trotskiste.
Ils sont le détonateur qui embrase la jeunesse, les « copains » qui, depuis les années 60, investissent peu à peu l'espace social et culturel. Cette génération entre dans le théâtre politique français, où le décor, les textes, la mémoire et les postures sont révolutionnaires.
Surpris – le Premier ministre, Pompidou, et le président de la République sont en voyage officiel à l'étranger –, le pouvoir politique s'interroge.
Il contrôle remarquablement la répression : grâce au préfet de police Grimaud, la nuit des barricades sera certes violente, avec de nombreux blessés, mais restera un simulacre de révolution.
Exception française : la « révolution » étudiante déclenche une crise sociale et politique.
La France est bien ce pays d'exception, centralisé, où la symbolique historique joue un rôle majeur et où ce qui se passe sur la scène parisienne prend la profondeur de champ d'un événement historique.
Longtemps contenues, les revendications ouvrières explosent face à un régime affaibli. Les grèves éclatent, mobilisent bientôt plus de dix millions de grévistes – un sommet historique.
Au gouvernement, certains craignent une « subversion communiste », puisque la CGT est liée au Parti communiste.
Et ce n'est plus seulement Paris qui est concerné. Toute la nation est paralysée.
Les villes de province sont parcourues par des cortèges à l'ampleur exceptionnelle.
Les amphithéâtres de toutes les universités, les théâtres – à Paris, celui de l'Odéon –, les écoles – celle des Beaux-Arts –, les rues, les places, deviennent des lieux de débat. Des assemblées tumultueuses écoutent des anonymes, des militants, des écrivains célèbres (Sartre, Aragon). On applaudit, on conteste.
C'est la « prise de parole », le rejet des institutions. Les communistes sont débordés par les gauchistes, les maoïstes, les trotskistes.
Et l'on crie : « Adieu, de Gaulle, Adieu ! » ou encore : « Dix ans, ça suffit ! »
Ainsi, à la fin du mois de mai, la « révolution » étudiante est devenue radicalement politique.
C'est comme un condensé d'histoire. Les multiples réunions font penser par leur nombre, les participations massives, la diversité des problèmes soulevés par une foule d'intervenants, aux assemblées préparatoires aux états généraux élaborant leurs cahiers de doléances. Déjà on semble à la veille d'un 14 juillet 1789.
Dans les cortèges, certains souhaitent qu'on prenne une Bastille qui ferait tomber le pouvoir du vieux monarque. On lance : « De Gaulle au musée ! »
Tout se joue dans les quatre derniers jours de mai.
D'abord, Pompidou réunit les syndicats. Il aboutit le 27 mai aux accords de Grenelle avec la CGT. Il retire ainsi du mordant au mouvement social et stoppe sa propagation.
En outre, l'indication politique est précieuse : les communistes ne veulent pas – lucidité ou calcul lié à la politique extérieure de De Gaulle ? – d'un affrontement, aux marges de la légalité, avec le pouvoir.
Dès lors, l'acte de candidature de François Mitterrand et de Pierre Mendès France – alliés et concurrents –, se déclarant le 27 mai prêts à gouverner alors que le pouvoir n'est pas vacant, apparaît comme le choix de pousser le pays dans l'« aventure ».
Celui-ci ne le désire pas.
Il suffit d'un appel radiodiffusé du Général, le 30 mai, pour renverser la situation.
De Gaulle s'est rendu la veille auprès du général Massu, commandant les forces françaises en Allemagne, stratagème créant l'angoisse et l'attente, habile dramatisation bien plus que démarche d'un président ébranlé cherchant l'appui de l'armée. À la radio, il annonce la dissolution de l'Assemblée et des élections législatives.
La volonté du pays de mettre fin à la « révolution » s'exprime aussitôt : manifestation d'un million de personnes
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