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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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s'affirment : la France et l'Angleterre.
    Il suffit d'une dizaine d'années (1337-1347) pour que la guerre devienne la gangrène de ce xiv e  siècle. Elle le sera pour « cent ans ».
    Philippe VI a voulu s'emparer de la Guyenne. Édouard évoque avec mépris un « soi-disant roi de France ». La flotte anglaise détruit la française, censée transporter les troupes pour l'invasion de l'Angleterre (bataille de L'Écluse, 24 juin 1340). À Crécy (26 août 1346), les archers anglais déciment la chevalerie française. Et le 4 août 1347, les bourgeois de Calais livrent les clés de leur ville à l'Anglais, qui s'en empare pour deux siècles.

    Ainsi, un conflit aux origines dynastiques et féodales se transforme en guerre entre nations, chacune d'elles gardant la cicatrice de ces premiers affrontements qu'a suscités une naissance commune.
    Le Français est le cousin de l'Anglais, et l'un et l'autre sont les plus anciens ennemis.
    L'Anglais affirme sa supériorité militaire. Il détruit la flotte d'invasion – naissance d'une tradition ! Il tue méthodiquement les chevaliers français qui combattent comme autrefois et que le « soldat » anglais perce de ses flèches ou égorge au coutelas.
    Face à l'Anglais, l'âme française éprouve un sentiment d'admiration et d'impuissance. Les Anglais l'emportent toujours. Après la mort de Philippe VI, en 1350, c'est son fils Jean le Bon qui, avec ses chevaliers, est battu à Poitiers en 1356, fait prisonnier, gardé à Londres, délivré contre forte rançon. Par le traité de Brétigny-Calais en 1360, il sera contraint d'abandonner à l'Anglais plus du tiers de son royaume avant d'aller mourir à Londres, où – noble chevalier – il est allé remplacer l'un de ses fils prisonnier, qui s'était enfui.
    En dépit de la prise de possession par Philippe VI du Dauphiné (1343), de Montpellier (1349), puis de l'affirmation de la suzeraineté royale sur la Bourgogne, ce milieu du xiv e est, pour le royaume de France, un abîme où il s'enfonce.
    Pour la toute jeune nation, c'est l'un de ces « malheurs exemplaires » qui blessent son âme et vont se répéter tout au long de son histoire.

    Car le sol du royaume de France n'est pas seulement jonché des corps des chevaliers percés de flèches ou égorgés par les archers et les « routiers » anglais à Crécy puis à Poitiers. Les dix ans – 1346-1356 – qui séparent les deux défaites françaises voient s'amonceler les cadavres.
    La peste noire a commencé de faucher en 1347-1348. Qu'elle soit bubonique ou pulmonaire, elle tue souvent un habitant sur deux, et la totalité de ceux de certains villages sont enfouis dans des fosses communes ou entassés sur des bûchers.
    Au début du  xiv e  siècle, la population du royaume était devenue si abondante que la disette – parfois la famine –, après des décennies de récoltes suffisantes, étaient réapparue.
    La peste noire vide les campagnes sans faire disparaître la famine. Et les survivants tuent ceux qu'ils jugent responsables de l'épidémie.
    On dit que les juifs empoisonnent les puits et les sources. On les traque et on les brûle. Ceux qui le peuvent se réfugient à Avignon, où le pape Clément VI les protège, excommuniant ceux qui les persécutent. Mais des milliers périssent, comme si l'épidémie de peste noire réveillait une autre maladie endémique, l'antijudaïsme, comme si celui-ci était caché au plus profond d'un repli de l'âme de la France et se tenait prêt à l'infester si les circonstances s'y prêtaient, s'il fallait désigner un bouc émissaire responsable des malheurs du temps.

    Dans le désarroi et la terreur provoqués par la peste noire, des milliers de chrétiens se flagellent, « batteurs » fouettant leurs corps jusqu'au sang, zébrant leurs torses et leurs cuisses en hurlant, longues processions ensanglantées parcourant des campagnes appauvries.
    D'autres paysans – ces « jacques » – affamés se rebellent. Quand la jacquerie devient menaçante, on la taille en pièces – ce que fait Charles le Mauvais en 1358, massacrant plus de vingt mille jacques après avoir, par traîtrise, capturé puis décapité le chef (Guillaume Carle, en Beauvaisis) que ces paysans se sont donné.

    Sur fond de peste noire – et donc de « grande peur », comme on dira en 1789 –, de disette, de jacqueries – donc de violences – se met en place une « mécanique » sociale et politique qui

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