L'âme de la France
politique que conduit Louis XI, mais, lorsqu'il est averti de ce qui se trame, il soutient l'« universelle aragne » qui tisse sa toile pour réduire les ducs et les princes à l'impuissance et les dépouiller de leurs possessions au profit du royaume.
Tel est l'axe de cette politique française de Louis XI, qui parfois trébuche sur les propres pièges qu'elle tend à ses adversaires.
Les grands ont jaugé la menace. Ils mènent dès 1465 une guerre ouverte contre Louis XI. Le duc de Bourgogne, Philippe le Bon et son fils Charles le Téméraire, le duc de Bretagne, ont formé ce qu'ils appellent la ligne du Bien Public et ont enrôlé dans leurs rangs le propre frère du roi.
Après la bataille incertaine de Montlhéry (16 juillet 1465), les ligueurs menacent Paris. Louis XI négocie (traité de Conflans, 1465), mais sa détermination ne faiblit pas. Il incite les Flandres à se soulever contre Charles le Téméraire, et prend le risque de se rendre à Péronne, défier le duc de Bourgogne et négocier avec lui en dépit de l'insurrection des Liégeois, que, l'accord une fois intervenu, on réprimera (1468).
Ce souverain bavard, retors et superstitieux, auteur de plus de sept volumes de lettres, a une vision claire des dangers qui menacent le royaume. Il doit briser le duché de Bourgogne, empêcher que Charles le Téméraire ne conquière l'Alsace et la Lorraine, réunissant ainsi territorialement la Flandre et la Bourgogne. Et il doit plus encore empêcher que se renoue l'alliance anglo-bourguignonne.
Or Édouard IV débarque en 1475 une armée de 25 000 hommes à Calais. Pour le faire renoncer, il faut lui verser 75 000 écus plus 50 000 écus de rente annuelle.
Le peuple approuve cette politique. Les villes ont résisté aux Bourguignons (ainsi Jeanne Hachette à Beauvais). Il se félicite de l'accord intervenu entre Louis XI et Édouard IV d'Angleterre (à Picquigny, 1475) :
J'ai vu le Roi d'Angleterre
Amener son grand ost
pour la Française terre
Conquérir bref et tost
Le Roi voyant l'affaire
Si bon vin leur donna
Que l'autre sans rien faire
Content s'en retourna.
Ce roi réussit. Charles le Téméraire, qui a repris la guerre, meurt devant Nancy (1477), et en jouant des successions, en mêlant habile diplomatie et menaces, Louis XI agrandit le royaume de France du Roussillon, de la plus grande partie de la Bourgogne (duché), de la Picardie, de l'Anjou, du Maine et de la Provence.
Avec Marseille, le royaume s'ouvre ainsi sur la Méditerranée et recouvre les limites de la Gaule romaine.
Certes, il a fallu accepter que Marie de Bourgogne – fille de Charles le Téméraire – épouse l'empereur Maximilien d'Autriche. Les Habsbourg sont aux portes du royaume de France. Mais Louis XI a obtenu que la fille de Marie de Bourgogne épouse le Dauphin Charles, et elle apporte dans sa dot la Franche-Comté, l'Auxerrois, le Mâconnais et l'Artois.
Au sud, Isabelle de Castille a épousé Ferdinand d'Aragon, et ces Rois Catholiques vont reconquérir toute l'Espagne, en chasser les musulmans.
Ces modifications portent en germe une nouvelle géopolitique de l'Europe occidentale. Le royaume de France ne peut qu'y être directement impliqué.
Le 30 août 1483, quand meurt Louis XI à Plessis-lès-Tours, le royaume de France n'est plus l'État exsangue de la première moitié du xv e siècle.
L'âme du pays a été trempée par la guerre. Elle se sait et surtout se veut française.
Au lent processus d'agrandissement et d'unification du royaume, Louis XI, en vingt-deux ans de règne, a apporté une contribution majeure.
Dans le fonctionnement du pouvoir, il a tout subordonné au succès de la politique qui sert la gloire et les intérêts du royaume tels que le roi les conçoit.
Ceux qui ne partagent pas cette vision doivent être brisés. Le royaume de France ne doit compter que des sujets soumis au pouvoir royal.
L'âme de la France se souviendra de l'« universelle aragne ».
18.
La mort a saisi Louis XI et c'est un enfant de treize ans qui est sacré roi de France. Point de conseil de régence pour Charles VIII : le défunt roi a choisi deux tuteurs, sa fille Anne et son époux, Pierre de Beaujeu, un Bourbon dont il sait qu'ils continueront sa politique avec ténacité et prudence. « Anne, disait-il, est la femme la moins folle du monde. »
Et, précisément, elle doit faire face avec Pierre de Beaujeu à la « Guerre folle » que mènent contre ces
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