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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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deux tuteurs les princes qui veulent dominer le roi, retrouver leur influence. Parmi eux, il y a le cousin du souverain, Louis d'Orléans, fils du poète Charles d'Orléans, retenu si longtemps prisonnier en Angleterre. Vaincu par les troupes royales, Louis d'Orléans passera trois années en prison (1488-1491) avant de devenir, à la mort de Charles VIII (1498), Louis XII, roi de France.
    Et, revêtant les habits du souverain, il combat à son tour les princes. Il peuple son Conseil de roturiers, comme l'avaient fait Louis XI et Charles VIII. Il écoute les avis de cet « humaniste » – un des hérauts de la révolution culturelle qui, portée par l'imprimerie, bouleverse des valeurs réputées immuables – nommé Guillaume Budé (1467-1540), dont Charles VIII avait fait son secrétaire.
    Fini le temps des chroniqueurs à la Commynes. Charles VIII les a renvoyés.

    Avec le roturier progresse l'esprit profane.
    La Sorbonne admet les studia humanitatis – études profanes. Un Robert Gaguin publie pour Charles VIII les Commentaires de César, et une Histoire française qui se donne Tite-Live pour modèle.
    Les imprimeries se multiplient à Paris et à Lyon. En 1514, Louis XII dispensera les livres de taxe à l'exportation. Les librairies disposent en réserve de plusieurs dizaines de milliers de volumes à eux tous.
    On imprime, on réimprime François Villon, sa Ballade des dames du temps jadis  :
    Où est la très sage Héloïse
    Pour qui châtré fut et puis moine
    Pierre Abélard à Saint-Denis [...]
    Et Jeanne la bonne Lorraine
    Qu'Anglais brûlèrent à Rouen [...]
    Mais où sont les neiges d'antan ?
    La nation naît de cette langue qui s'affine, se crée en forgeant des mots neufs, en exprimant une sensibilité nouvelle et en donnant à des milliers de lecteurs la conscience forte d'appartenir à une communauté nationale. Le chant profane, les livres, la poésie, tous ces textes qui commencent à circuler constituent une mémoire collective, une légende et une mythologie partagées.
    La France commence à vivre en chaque Français grâce au pouvoir des mots :
    Frères humains qui après nous vivez
    N'ayez les cœurs contre nous endurcis [...]
    Mais priez Dieu que tous nous veuillent absoudre !
    Heureusement, entre le moment où Villon écrit cette Ballade des pendus – vers 1461 – et la fin du siècle (Charles VIII : 1483-1498 ; Louis XII : 1498-1515), la mort recule.
    Les grappes de pendus au gibet de Montfaucon sont moins serrées.
    La peste noire et la disette frappent encore au début du règne de Charles VIII, mais le pays se repeuple ; les étrangers sont admis sans avoir à payer le droit d'aubaine pour obtenir la « naturalité ».
    Castillans et Italiens arrivent nombreux dans les villes, dont la population augmente (Paris : 250 000 ; Lyon, Nantes, Rouen, Toulouse : entre 25 000 et 50 000).
    Les défrichements reprennent, les villages abandonnés retrouvent vie.
    À Lyon, à Troyes, à Paris, du tissage à la fabrication de papier pour l'imprimerie, les ateliers se multiplient, en même temps que des modes nouvelles, venues d'Italie, répandent le goût du luxe, des tissus en soie, de la joaillerie.
    En deux décennies, la France a retrouvé sa richesse. Elle est la plus vaste des nations – 450 000 kilomètres carrés –, la plus peuplée – 20 millions d'habitants –, celle dont l'organisation étatique, la plus élaborée, permet de recouvrer les impôts avec le plus d'efficacité.

    Ainsi s'inscrit dans la mémoire nationale l'expérience à la fois du malheur exemplaire et du redressement miraculeux qui remet la France à sa place : au premier rang.
    Le passage de la dévastation provoquée par la guerre – civile et étrangère – à ce renouveau, cet éloignement des temps de malheur, sont des éléments déterminants dans l'élaboration de l'âme de la France.
    Hier, c'était la peur qui étreignait les campagnes menacées par les routiers des Grandes Compagnies.
    À la fin du  xv e  siècle, Claude de Seyssel publie Louange au Roi Louis XII , et il décrit une France paisible, gouvernée par un « Père » :
    « Tous, dit-il, labourent et travaillent, ainsi avec les gens croissent les biens, les revenus et les richesses. »
    La croyance s'enracine qu'il existe un miracle français, que la Providence veille sur le royaume.

    Mais, rassurés, satisfaits, les souverains et leur entourage – et, naturellement, les grands,

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