L'âme de la France
l'esprit. Ôtons ces mots diaboliques, luthériens, huguenots, papistes : ne changeons pas le nom de chrétien ! »
Cette voix est aussi celle d'une autre spécificité française.
Elle affirme qu'entre les camps opposés, entre les violences qui s'exacerbent l'une l'autre, il existe un choix « médian » récusant l'extermination d'un camp par l'autre, parce que la première victime en serait le royaume, la nation elle-même.
20.
La France de 1560 peut-elle entendre la voix de la sagesse et de la tolérance ?
Les passions religieuses qui se déchaînent nourrissent les ambitions, les haines, les ressentiments, les convictions, les croyances que la monarchie centralisatrice, autoritaire, marchant vers l'absolutisme, a jusque-là réussi à contenir, à refouler, à étouffer.
Et toutes les vieilles blessures se rouvrent au moment où le pouvoir se trouve affaibli.
En 1560, un enfant de dix ans est devenu Charles IX, roi de France. Il est maladif, dépressif, velléitaire.
Et c'est sa mère, Catherine de Médicis, « par la grâce de Dieu, reine de France, mère du Roy », qui exerce la régence, avec l'habileté, le sens de l'intrigue, l'absence de scrupules, le cynisme d'une fille des Médicis de Florence, élèves de Machiavel.
Elle n'a qu'un seul but : ne rien céder du pouvoir royal, celui de Charles IX, c'est-à-dire le pouvoir qu'elle détient, et peut-être demain celui de son fils préféré, Henri – sans compter qu'après lui reste encore un frère cadet, François.
Quant à sa fille Marguerite, elle la mariera le moment venu à l'un des grands, duc ou prince, et pourquoi pas au roi de Navarre, Henri de Bourbon ?
Elle se méfie de tout et de tous.
De ces Guises – François, le général ; Charles, l'archevêque de Reims – qui prétendent descendre en ligne directe de Charlemagne et qui incarnent un catholicisme intransigeant. Ils sont pénétrés de l'esprit du concile qui, réuni à Trente, après 1545, ne cède rien aux « réformés », mais élabore au contraire une Contre-Réforme, qui recrée l'Inquisition sous le nom de Congrégation de la Suprême Inquisition, qui s'appuie sur la Compagnie de Jésus – l'armée noire du pape – pour diriger les consciences des hommes et des femmes d'influence, et établit les listes des livres « diaboliques » à proscrire.
De ces autres grands, les Bourbon-Condé, qui soutiennent les huguenots.
Des Bourbon-Navarre, eux aussi tentés par la religion prétendument réformée.
Catherine de Médicis s'inquiète de voir ces protestants se doter d'une organisation militaire, exprimant, sous le couvert de la foi nouvelle, les volontés d'autonomie des grands seigneurs et des villes brisées par le pouvoir royal.
Cette situation religieuse, politique, sociale – la disette reparaît, les prix des denrées montent, la misère, qui semblait contenue, se répand à nouveau avec, ici et là, des poussées de peste noire –, est d'autant plus lourde de menaces que chaque camp regarde vers l'étranger.
Les catholiques vers l'Espagne, les huguenots, vers ces « Gueux » des Pays-Bas qui combattent l'Espagnol Philippe II et affirment leur religion et leur désir d'indépendance.
L'Allemagne s'émiette.
La religion du prince est celle de son peuple.
Il en ira ainsi en Angleterre, quand Élisabeth, après le schisme de Henri VIII, choisira en 1563 de créer l'Église anglicane, antipapiste, mais hiérarchisée à l'instar de l'Église catholique.
Dans cette nouvelle configuration des forces en Europe, la France hésite encore.
Étrange moment, révélateur du caractère complexe de l'histoire nationale et de l'âme de la France.
Autour d'elle, les peuples s'alignent. Les uns entrent au temple, les autres, dans l'Église romaine ou dans l'Église anglicane.
Les peuples obéissent à leur souverain : Cujus regio, ejus religio .
Mais la France, fille aînée de l'Église, hésite et débat.
Le patriotisme, le sentiment familial, sont déjà si forts que, durant deux années encore (1560-1562), Catherine de Médicis et ses conseillers tentent d'éviter la guerre civile.
Ronsard, « papiste », s'adresse au souverain :
Sire, ce n'est pas tout que d'être Roi de France
Il faut que la vertu honore votre enfance...
Et dans cette Institution pour l'adolescence du roi Charles IX (1561), il convoque l'histoire devenue référence, légende :
Du temps victorieux vous faisant immortel
Comme Charles le Grand ou bien
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