L'âme de la France
parmi les grands seigneurs, héritiers et nostalgiques des pouvoirs féodaux.
Les Guises sont des catholiques intransigeants – ultras et même fanatiques –, comme le roi, mais ils contestent son pouvoir. Les Bourbons sont huguenots, mais sont aussi des « féodaux », tel Condé, et l'un d'eux, Henri, est même roi de Navarre.
Celui-ci, qui peut croire à la sincérité de son abjuration, obtenue alors qu'on pressait la pointe d'une épée sur sa gorge durant la Saint-Barthélemy ?
Henri III doit aussi compter avec ce tiers parti des « malcontents », des « politiques », qui trouve en François de Valois, frère cadet du roi, un soutien considérable.
Ces oppositions suscitent contre le monarque et ses « mignons » – le duc de Joyeuse, le duc d'Épernon – des libelles, des pamphlets, une floraison de rumeurs et de reproches visant les mœurs dissolues, la prodigalité, les fêtes fastueuses du souverain.
Le pouvoir royal est devenu une cible.
On le vise de toutes parts pour des raisons différentes : religieuses, féodales, morales, vindicatives ou même sociales – la disette serre souvent le peuple à la gorge et l'épidémie relaie la faim.
Situation d'autant plus difficile pour le roi qu'il a besoin d'argent, qu'il demande aux états généraux de lui voter des subsides alors même qu'on le critique et le conteste.
Il suffit d'un événement – l'évasion de Paris, en 1575, de François, frère du roi, et de Henri de Navarre, tous deux retenus prisonniers – pour que la tension se mue en nouvelle guerre.
Relaps, hérétique à nouveau, Henri, roi de Navarre, va devenir le chef et le protecteur des Églises réformées de France.
Ainsi s'aggrave une crise politique et nationale complexe où se conjuguent des déterminants divers et contradictoires. Ce sera là un des traits permanents de notre histoire : le pouvoir central est toujours contraint de tenir compte de forces qui souvent s'équilibrent, s'opposent entre elles. L'unité nationale, qui est pourtant un désir permanent, demeure précaire. L'autorité de l'État – dont la puissance pourtant se renforce d'autant plus que les tendances à l'éclatement sont puissantes – ne cesse d'être remise en cause.
Quand le pouvoir ne peut être le fédérateur de toutes les forces, il doit s'allier à certaines d'entre elles, au risque de voir toutes les autres se liguer contre lui.
Henri III choisit ainsi en 1576 – après des batailles perdues – de négocier avec les huguenots et de leur concéder des avantages considérables (édit de Beaulieu, 7 mai 1576).
Quatre ans seulement après le massacre de la Saint-Barthélemy, le culte de la nouvelle religion peut être célébré partout sauf à Paris.
Les huguenots non seulement peuvent conserver huit places de sûreté, mais ils seront représentés à égalité avec les catholiques dans les parlements.
Et, décision lourde de symbole, les victimes de la Saint-Barthélemy sont réhabilitées.
On mesure, à cet édit, combien les préoccupations politiques l'emportent, chez le roi, sur les engagements religieux. C'est son pouvoir et l'unité du royaume autour de sa personne qui comptent au premier chef.
Mais, par l'étendue des concessions consenties aux huguenots, il affaiblit sa position face aux catholiques.
Des ligues se constituent, fédérées par Henri de Guise. Et lorsque les états généraux se réunissent à Blois (1576), une majorité de parlementaires obligent Henri III à renoncer à l'édit de Beaulieu et lui refusent les subsides qu'il réclame.
Pis : la tentation est grande, chez nombre d'entre eux, de contester son pouvoir, même si la majorité craint l'éclatement du royaume.
En France, la conscience nationale est déjà persuadée qu'il n'est pire malheur que la rupture de l'unité du royaume.
C'est ce qu'exprime, dans ses Six livres de la République , Jean Bodin, quand il développe l'idée de la nécessité d'un pouvoir fort, au-dessus des factions, assurant l'unité nationale, et, en politique extérieure, l'indépendance.
Le pouvoir central – royal – était alors seul capable d'assurer ces deux conditions de la paix civile. Et la tolérance entre religions antagonistes sera possible à condition précisément que le pouvoir soit fort.
L'idée d'un pouvoir arbitre – et, à terme, laïque – commence ainsi à sourdre.
Et, contradictoirement, les partisans d'un pouvoir limité sont aussi les adversaires de la
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