L'âme de la France
arrêté.
En France, les poussées « révolutionnaires » sont rapidement enrayées par l'attachement à l'unité du royaume – à celle de la nation – et à l'ordre social.
Le « moment » de l'extrémisme laisse des cicatrices, développe des conséquences politiques, mais, à la fin, c'est le compromis qui s'impose.
La violence est présente dans l'histoire nationale, mais cette tempête est de brève durée et un équilibre national finit par se reconstituer, recimentant la nation et restaurant la cohésion du corps social.
L'intelligence de Henri IV est de l'avoir compris.
Il mesure qu'il ne peut conquérir son royaume par le seul usage de la force.
Il n'a pas pu entrer dans Paris. Les ligueurs ne sont pas vaincus. Il doit, s'il veut régner et être reconnu comme souverain, incarner l'unité du royaume, faire une concession majeure, abjurer sa foi huguenote afin d'exprimer, par ce choix, qu'il s'inscrit dans la tradition nationale, et donc sacrifier sur l'autel de l'unité sa foi protestante.
Le 25 juillet 1593, en la basilique de Saint-Denis, il abjure, entend la messe et communie.
Le 27 février 1594, il est sacré à Chartres, puisque Reims est encore aux mains des ligueurs.
À Pâques, il touchera les écrouelles. Il entrera dans Paris le 22 mars 1594, entendra un Te Deum à Notre-Dame avant de faire son entrée solennelle dans la capitale le 15 septembre.
Les politiques, les patriotes, tous ceux qui sont soucieux d'ordre social et qui veulent « recoudre » le tissu national, sont satisfaits.
Les villes se rallient à Henri IV.
Les garnisons espagnoles quittent le pays.
Les états généraux, qui voulaient contrôler le roi, sont discrédités.
Les Jésuites, accusés de prôner le tyrannicide, sont expulsés en 1594, et le pape, dans une cérémonie d'expiation à Rome, reconnaît l'abjuration de Henri IV et son retour au sein de la Sainte Église catholique.
Les Français, écrivent les partisans du roi dans des textes de propagande, ont refusé d'avaler le « catholicon d'Espagne », cette drogue étrangère qu'on voulait leur faire boire.
« Notre roi est maintenant catholique, il va à la messe, il faut le reconnaître et il ne faut plus que l'on nous trompe. »
Mais la souveraineté de Henri IV ne sera définitivement établie qu'après qu'il aura brisé les résistances armées des Guises en Bretagne (le duc de Mercœur) et en Bourgogne (le duc de Mayenne).
En fait, ces victoires militaires ne sont que de façade. Henri IV achète les ralliements. Le Trésor royal déboursera à cette fin 32 millions de livres.
L'unité du royaume se paie cher. C'est dire que si la raison l'emporte, si les « politiques » ont triomphé, en fait les divisions demeurent. On choisit l'équilibre, non l'adhésion enthousiaste.
Et il faut encore, pour empêcher les cicatrices de se rouvrir, en finir avec l'action de l'étranger.
Henri IV déclare la guerre à l'Espagne en sorte que l'unité nationale s'affirme aussi dans le combat contre les Habsbourg. Il est victorieux des Espagnols à Fontaine-Française, sur les bords de la Saône.
Mais les Espagnols assiègent Amiens, et la paix ne sera conclue que le 2 mai 1598, à Vervins.
Henri IV a pu signer à Nantes un traité avec les huguenots (30 avril 1598).
Moment important dans la construction de l'âme de la France. En refusant d'envoyer des renforts alors que les Espagnols assiégeaient Amiens, les huguenots ont montré leur détermination, leur amertume, leurs réticences face à ce roi qui a abjuré leur foi, même si de nombreux pasteurs ont fait le même choix que lui. L'édit de Nantes – ville ligueuse ! – leur accorde la liberté de conscience, l'égalité des droits, la liberté de culte, et des articles secrets leur assurent d'une part le versement par le roi de 45 000 écus par an – les pasteurs en exercice seront payés –, d'autre part le contrôle de 150 villes qui seront des « refuges de sûreté » possédant une garnison dont le souverain sera le gouverneur et dont il paiera l'entretien.
Les huguenots constituent ainsi un État dans l'État.
C'est dire que l'édit de Nantes n'est qu'un traité de compromis, de paix civile. Il marque cependant la difficile naissance, à l'avenir incertain, d'une exception française : l'acceptation de la coexistence, en un seul royaume, de deux religions ; et donc, en germe, la séparation de la religion et de l'État.
Quelles que soient
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