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L'âme de la France

L'âme de la France

Titel: L'âme de la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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gèrent leur bien prestigieux : leur charge héréditaire.
    Le pouvoir royal mesure à la fois l'intérêt de cette « noblesse de robe » qui l'alimente, et la difficulté qu'il éprouve à se servir d'elle.
    L'État multiplie alors les « commissaires », les « intendants », qui sont ses agents zélés et obéissants.
    Ainsi se dessine au début du xvii e  siècle le pouvoir français : un centre lié à cette noblesse de robe et agissant par l'intermédiaire d'agents à son service, exécutants efficaces et dévoués.
    Cette armature, si elle maintient le pays rassemblé autour du pouvoir central, si elle fait du royaume de France, dès les années 1600, le plus structuré des États d'Europe, si elle favorise le rôle de l'État, risque de faire perdre à la société sa souplesse, sa capacité d'initiative.
    Elle peut conduire de ce fait, en cas de conflit, à une remise en cause du pouvoir central, à qui chacun est lié et dont tout dépend.

    On le mesure au printemps de 1610 quand Henri IV décide d'entrer en guerre contre l'Espagne, manière d'affaiblir l'empereur du Saint Empire romain germanique, qui, par le jeu de la succession ouverte en deux duchés – Clèves et Juliers –, peut se retrouver sur les bords du Rhin. Or le Habsbourg allié de l'Espagne est l'ennemi.
    Henri a rassemblé une armée de 100 000 hommes. Il est d'autant plus impatient d'intervenir aux Pays-Bas espagnols que Condé et son épouse s'y sont réfugiés. Et que Henri IV, le « Vert-Galant », entend bien conquérir la jeune femme.
    Mais ce n'est là qu'un aspect anecdotique, significatif du rôle des femmes et des passions qu'elles suscitent dans le fonctionnement de la monarchie française. Elle ne doit pas masquer le grand projet de politique extérieure du roi : s'allier aux princes luthériens, aux Hollandais calvinistes, pour mieux s'opposer aux Espagnols catholiques.

    Henri IV a veillé à faire couronner, le 13 mai 1610, la reine Marie de Médicis, qui assurera ainsi, tandis qu'il sera en campagne, la présidence du conseil de régence.
    Mais cette entreprise ambitieuse, qui vise à faire de la France l'arbitre de l'Europe en réduisant l'influence des Espagnols et des Habsbourg d'Empire, a des conséquences dans le royaume même : elle ravive les soupçons envers ce roi qui fut huguenot, relaps avant d'abjurer.
    Tout ceux qui ont condamné l'édit de Nantes s'inquiètent de voir ce souverain faire peut-être le jeu des hérétiques.

    Et François Ravaillac, posant le pied sur l'un des rayons de la roue du carrosse royal, rue de la Ferronnerie, poignarde le souverain, le 14 mai vers six heures de l'après-midi.
    Ravaillac sera soumis à la question. Les jambes brisées, le corps tailladé, il sera écartelé en place de Grève et le peuple brûlera ses restes.
    Le cœur de Henri IV, enchâssé dans un reliquaire, est déposé au collège jésuite de La Flèche, son corps embaumé repose à Saint-Denis.
    Le roi est mort, vive le roi !
    C'est Louis XIII, un enfant de neuf ans.
    Marie de Médicis assurera la régence du royaume.
    24.
    Qui tue le roi blesse le royaume.
    Et ce d'autant plus qu'au souverain assassiné succède un enfant, symbole de la faiblesse, incapable de tenir les rênes.
    Or la nation française est couturée de cicatrices mal refermées, d'ambitions refoulées, de haines, d'amertumes et de regrets.
    Il y a les grands – le prince de Condé, le duc de Longueville, les ducs de Guise et de Bouillon – et, derrière eux, leurs clientèles, toute cette noblesse d'épée que Henri IV a humiliée, vaincue, et qui rêve à nouveau, comme aux pires moments des guerres civiles, de se partager le royaume, de dominer le sommet de l'État.
    La scène centrale n'est occupée que par une régente, la reine Marie de Médicis, entourée de ce couple que l'on présente comme des aigrefins, des pilleurs de trésors : Concino Concini et sa « sorcière » de compagne, Leonora Galigaï.
    Les libelles contre eux se multiplient. Les grands s'impatientent, rejoints par la noblesse de robe, parlementaires, officiers propriétaires de leurs charges qu'ils peuvent désormais léguer.

    Marie de Médicis, croyant renforcer son pouvoir, s'est présentée devant le parlement de Paris pour se faire confirmer par l'assemblée qu'elle était bien la régente « des affaires du royaume pendant le bas âge dudit seigneur son fils ».
    Elle semble ainsi avouer sa faiblesse, ce besoin de reconnaissance,

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