L'âme de la France
élabore un véritable programme, demandant le retour à la politique extérieure de Henri IV, critiquant les conseillers de la reine, ces « étrangers » prévaricateurs.
Quelques semaines plus tard, Condé publie un manifeste exigeant que la Cour suive les cahiers des états généraux. C'est dire que le « soupçon » à l'égard de la monarchie est devenu acte d'accusation.
Les mesures prises par Concini pour tenter de faire face à ces oppositions – il fait entrer au Conseil Armand Jean Du Plessis, futur cardinal de Richelieu, chargé des Affaires étrangères –, l'emprisonnement de Condé à la Bastille, puis l'envoi de troupes en Champagne et dans le Nivernais pour réduire une rébellion du duc de Nevers, si elles recréent un semblant d'ordre, ne peuvent rétablir l'unité et l'autorité du pouvoir.
Car dans la monarchie française, qui est déjà absolutiste, c'est le roi qui les incarne. Il est le cœur du royaume et de la construction politique. S'il est absent ou empêché, le royaume entre en crise.
L'âme de la France ne peut vivre sans un « centre », une clé de voûte.
Ainsi le coup d'État organisé par Charles d'Albert de Luynes avec l'assentiment du roi est-il un premier pas nécessaire vers le retour à l'ordre.
Le 24 avril 1617, Concini est assassiné. Son corps, déterré par la foule, est dépecé, brûlé, ses cendres répandues, et Leonora Galigaï exécutée à son tour comme sorcière. Marie de Médicis chassée, Louis XIII, âgé de seize ans, confie le pouvoir réel à Luynes.
Mais le roi doit s'imposer par les armes : contre Marie de Médicis – la guerre de la mère et du fils –, contre les grands en Guyenne et en Normandie, contre les protestants en Béarn.
Luynes tout comme le dévot Louis XIII continuent la « politique » qui privilégie les mobiles religieux et ne se dresse donc pas contre le Habsbourg.
Les Espagnols prennent pied dans la Valteline, et la France se retrouve ainsi menacée d'encerclement, les armées espagnoles étant désormais toutes proches de celles de l'empereur de Vienne.
La mort de Luynes, en 1621, permet le raccommodement du roi et de sa mère.
Or celle-ci a eu pour conseiller le cardinal de Richelieu, longtemps partisan de l'alliance avec l'Espagne, mais qui, devant les initiatives de Madrid et de Vienne, a pris conscience de l'effacement et de la subordination qu'elles impliquent pour la France.
Avec son entrée au Conseil, le 29 avril 1624, les conditions d'un changement de politique, si le roi l'entérine, sont réunies.
Quinze années viennent d'être perdues, le royaume étant paralysé par des luttes vaines.
Elles ont cependant confirmé que la France, à tout moment de son histoire, peut s'enfoncer dans le marécage de ses divisions, connaître l'impuissance, les haines fratricides, les violences, les assassinats, les exécutions les plus barbares, puis recouvrer l'unité un temps perdue et donc sa force.
25.
La France était entravée.
Or il faut moins de vingt ans à Richelieu et à Louis XIII pour en faire l'un des acteurs majeurs de la politique européenne, et donc aussi pour remodeler le gouvernement, la société et l'âme du royaume.
En 1624, lorsque Richelieu est appelé au Conseil du roi, la France hésitait à choisir une politique.
Le 4 décembre 1642, quand meurt le Cardinal, suivi le 14 mai 1643 par le roi, le royaume est engagé sur une trajectoire qui détermine son avenir.
En fait, tout s'est joué en quelques semaines, même s'il a fallu plusieurs années pour déployer les conséquences du diagnostic que, dès le mois de novembre 1624 – il est entré au Conseil le 29 avril –, formule Richelieu :
« Les affaires d'Allemagne sont dans un tel état, écrit-il à Louis XIII, que si le roi les abandonne, la Maison d'Autriche se rendra maîtresse de toute l'Allemagne, et ainsi assiégera la France de tous côtés. »
Le souverain partage cette analyse.
Il a renouvelé en juin 1624, malgré les « dévots », son alliance avec les Provinces-Unies protestantes. Or elles sont en guerre avec l'Espagne catholique.
Mais Louis XIII n'a pas encore tranché définitivement. Il demeure fidèle au rapprochement avec l'Espagne, dont le roi est son beau-père. Louis reste un dévot.
Le Cardinal, lui, a choisi. L'ambassadeur de Venise note : « En toutes choses, Richelieu se fait connaître plus homme d'État que d'Église. »
C'est là une orientation décisive.
Elle
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