L'Anneau d'Atlantide
administrative, il en a opposé une délivrée par un haut fonctionnaire du British Museum. Il ne me restait plus qu’à plier bagage, couvert de honte vis-à-vis de ces gens du pays qui avaient œuvré avec moi…
— Insensé ! Mais c’était qui, ce type ?
— L’honorable Freddy Duckworth, sixième ou septième rejeton d’un pair d’Angleterre, plus ou moins parachuté dans l’archéologie parce qu’on ne savait pas trop qu’en faire…
— Attends un peu ! L’archéologie n’est pas un truc dans lequel on peut entrer sans passeport. Il faut suivre des études et…
— Oh, il en a suivi… Négligemment mais suffisamment pour devenir l’enfant chéri du vieux Wharbutnot, le grand patron des Antiquités égyptiennes au British. Remarque, il a une technique savamment mise au point : il fait surveiller un confrère étranger et, quand l’innocent approche d’un résultat, il fait réclamer la concession comme sienne et nettement antérieure. Il paraît qu’il a déjà opéré ainsi envers deux jeunots : le Belge Niemans et l’Italien Belarmi. Je ne pensais pas qu’il oserait s’attaquer à moi…
— Et tu ne lui as pas flanqué la raclée qu’il mérite ? Si je m’en réfère à la façon dont tu as traité jadis La Tronchère…
— Évidemment, mais ça n’a rien arrangé. Si mon ambassadeur n’était pas intervenu, je n’y coupais pas de la prison…
Aldo lui offrit une cigarette, en prit une, alluma les deux et déclara finalement :
— Bon, j’admets que ce soit dur à avaler, mais ne me dis pas que c’est une raison pour prendre la cuite de ta vie ?
Adalbert se gratta le cuir chevelu, renifla puis, après un silence, se décida à lâcher :
— Il y a une autre raison mais, si tu permets, je la garderai pour moi… du moins pour un temps !
Connaissant son Adalbert, Morosini pencha pour une histoire de cœur et n’insista pas.
— Comme tu voudras !
— Merci ! Mais si on parlait de toi ? Qu’est-ce que tu viens faire au Caire ?
— Une dame de l’entourage du roi m’a prié de lui rendre visite. Je viens d’arriver par le train-paquebot.
— C’est intéressant ?
— Je l’espère, sinon je ne serais pas là, mais je saurai ce soir de quoi il retourne… Comment te sens-tu ?
— Vaseux !
— Le contraire serait étonnant. Écoute, ajouta Aldo en jetant un coup d’œil à sa montre, ce que tu as de mieux à faire pour le moment, c’est de dormir. J’ai ce qu’il faut pour t’y aider en cas de besoin…
— Non… Ça devrait aller !
— Bien. Moi, je vais me récurer, manger un morceau et filer à mon rendez-vous. En rentrant, je viendrai voir comment tu vas et on se retrouve demain matin… mais n’essaie pas de te faire monter du whisky ou de me filer entre les doigts ! J’ai peut-être quelque chose à te raconter…
— Quoi ? émit Adalbert.
— Pas question d’expliquer avant demain ! D’abord, je n’ai pas le temps ! Oh, et puis, après tout, conclut-il devant l’expression soudain frondeuse de son ami, je reviens t’apporter du Seconal… Je serai plus tranquille !
À peine eut-il disparu qu’Adalbert se leva, courut à la porte qu’il ferma à clef avant de regagner son lit avec la mine satisfaite d’un gamin qui fait une bonne blague à son précepteur. Mal lui en prit, deux minutes ne s’étaient pas écoulées qu’Aldo reparaissait… par la fenêtre :
— Pas de chance ! On partage le même balcon. Suffit d’enjamber !
— Tu ne peux pas me laisser tranquille ? grogna Adalbert.
— Mais je ne demande que cela : que tu restes tranquille !
Un moment plus tard, Adalbert dormait à poings fermés et Aldo repartait par où il était venu, mais cette fois il souriait. Chaque chose en son temps ! Avoir retrouvé Adalbert était déjà un cadeau du Ciel !
Dans l’île de Gesireh, la villa de la princesse Shakiar – le petit palais serait plus juste ! – était voisine du terrain de polo du Sporting Club. Deux heures après avoir neutralisé son ami, Morosini en smoking traversait un jardin ombré de tamaris d’où s’élevaient de grands palmiers dont l’élan répondait à celui des jets d’eau jaillissant des bassins en mosaïques bleues et or. La douceur de la nuit et l’odeur de terre mouillée – on avait dû arroser en fin de journée – composaient avec la maison
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