L'arc de triomphe
un moment.
Jeanne était sur son lit. Elle était vêtue d’une robe montante en lamé argent, maculée de sang. Sur le plancher, des taches de sang marquaient l’endroit où elle était tombée.
« Sois calme ! dit-il. Sois tranquille ! Tout ira bien. Ce n’est presque rien. »
Il coupa le haut de la robe et la baissa doucement. Le sein était intact. La blessure était à la gorge. Le larynx n’était pas atteint, sinon elle eût été incapable de téléphoner. L’artère n’était pas touchée.
« Tu as mal ? demanda-t-il.
– Oui.
– Très mal ?
– Oui…
– Ce sera vite passé. »
La seringue était prête. Le regard de Ravic (misa celui de Jeanne.
« Ce n’est rien. C’est seulement pour calmer l. i douleur. Tu ne souffriras plus. »
Il fit la piqûre et retira l’aiguille.
« Voilà ! »
Il se tourna vers l’homme.
« Appelez Passy 27-41. Demandez une ambulance et deux porteurs. Tout de suite !
– Qu’y a-t-il ? demanda Jeanne avec effort.
– Passy 27-41, répéta Ravic. Tout de suite ! Ne perdez pas de temps ! Téléphonez !
– Qu’y a-t-il Ravic ?
– Rien de grave. Mais il n’est pas possible de faire l’examen ici. Il faut te conduire à la clinique. »
Elle le regarda. Sa face était toute barbouillée, et le maquillage avait coulé. Un côté du visage, sali de rouge à lèvres, semblait celui d’un clown, l’autre, taché par le rimmel qui avait dégouliné sous l’œil, lui donnait un air de prostituée de bas étage. Seuls, les cheveux brillants avaient gardé leur beauté.
« Je ne veux pas être opérée, murmura-t-elle.
– Nous verrons. Ça ne sera peut-être pas nécessaire.
– Est-ce… »
Elle s’arrêta.
« Non, dit Ravic. Rien de sérieux. Mais je n’ai pas ici les instruments qu’il me faut.
– Les instruments ?…
– Pour faire l’examen. Tu ne sentiras rien. »
La piqûre faisait son effet. Pendant que Ravic se penchait sur la blessure, les yeux de Jeanne perdaient leur fixité.
L’homme revint.
« L’ambulance est en route.
– Demandez Auteuil 13-57. C’est un hôpital. Je parlerai. »
L’homme disparut de nouveau.
« Tu vas m’aider… murmura Jeanne.
– Bien sûr.
– Je ne veux pas souffrir.
– Ne crains rien.
– Je ne peux pas… Je ne sais pas endurer… » La voix s’empâtait.
« Je ne peux pas… »
Ravic examina l’endroit où la balle avait pénétré. Aucune des veines principales n’avait été touchée. La balle n’était pas ressortie. Il ne dit rien. Il appliqua une compresse. Il ne dit pas ce qu’il craignait.
« Qui t’a portée sur le lit ? demanda-t-il. As-tu…
– C’est lui…
– Étais-tu… Pouvais-tu marcher ? »
Une lueur d’angoisse passa dans les yeux troublés qui revenaient à la vie.
« Qu’y a-t-il ? Est-ce… Non… Je ne pouvais remuer mon pied. Ma jambe… Ravic… Qu’y a-t-il ?
– Rien, rien. C’est-ce que je pensais. Tout ira bien. »
L’homme revenait. « L’hôpital… »
Ravic se leva précipitamment et alla au téléphone.
« Qui est là ? Eugénie ? Une chambre… Oui… Et appelez Veber. »
IL jeta un regard vers la chambre à coucher. Puis d’une voix basse :
« Que tout soit prêt. Il faudra commencer sans perdre un instant. J’ai demandé l’ambulance. Un accident… Oui… Oui… Bien… C’est-cela… Oui, dans dix minutes… »
Il raccrocha. Il demeura un instant immobile. La table, une bouteille de crème de menthe… Dégoûtant !… Des verres, des cigarettes parfumées… Abominable !… Un revolver sur le tapis, des taches de sang… Tout le décor d’un mauvais film ! C’était cependant vrai… Il savait maintenant qui était l’homme qui était venu le chercher. Le complet aux épaules rembourrées, les cheveux pommadés et luisants, l’odeur d’eau de toilette qu’il avait sentie avec dégoût dans la voiture, les bagues… C’était bien l’acteur dont les menaces l’avaient tant fait rire. « Bien visé, pensa-t-il. Ou pas visé du tout. » On ne pouvait tirer avec une telle précision que lorsqu’on n’avait pas l’intention de frapper. Il retourna dans la chambre. L’homme était agenouillé près du lit, parlant, gémissant, faisant rouler les syllabes.
« Levez-vous », dit Ravic.
L’homme obéit tout de suite. Distraitement, il enleva la poussière de son pantalon. Ravic regarda son visage.
« Des
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