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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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forte, de son
panthéisme intuitif. L’homme n’est plus au centre de la vie. Il
n’est plus cette fleur du monde entier qui s’est employée lentement
à le former et le mûrir. Il est mêlé à toutes choses, au même plan
que toutes choses, il est une parcelle d’infini ni plus ni moins
importante que les autres parcelles d’infini. La terre passe dans
les arbres, les arbres dans les fruits, les fruits dans l’homme ou
l’animal, l’homme et l’animal dans la terre, la circulation de la
vie entraîne et brasse un univers confus où des formes surgissent
une seconde pour s’engloutir et reparaître, déborder les unes sur
les autres, palpiter et se pénétrer dans un balancement de flot.
L’homme ignore s’il n’était pas hier l’outil avec lequel il fait
surgir de la matière la forme qu’il sera peut-être demain. Tout
n’est qu’apparences, et sous la diversité des apparences, Brahma,
l’esprit du monde, est un. L’homme, sans doute, a l’intuition
mystique du transformisme universel. À force de transmigrations, à
force de passer d’une apparence à une autre apparence et d’élever
en lui, par la souffrance et le combat, le niveau mouvant de la
vie, sans doute sera-t-il un jour assez pur pour s’anéantir en
Brahma. Mais, perdu comme il l’est dans l’océan des formes et des
énergies confondues, sait-il s’il est forme encore, s’il est
esprit ? Est-ce cela un être qui pense, un être seulement
vivant, une plante, un être taillé dans la pierre ? La
germination et la pourriture s’engendrent sans arrêt. Tout bouge
sourdement, la matière épandue bat ainsi qu’une poitrine. La
sagesse n’est-elle pas de s’y enfoncer jusqu’au crâne pour goûter,
dans la possession de la force qui la soulève, l’ivresse de
l’inconscient ?
    Dans les forêts vierges du sud, entre l’ardeur
du ciel et la fièvre du sol, l’architecture des temples que la foi
faisait jaillir à deux cents pieds dans les airs, multipliait de
générations en générations et entourait d’enceintes toujours
agrandies, toujours déplacées, ne pouvait pas sortir d’une source
moins puissante et moins trouble que les grottes creusées dans
l’épaisseur des rochers. Ils élevaient des montagnes artificielles,
des pyramides à degrés où les formes grouillaient dans la
broussaille des sculptures. Hérissements de cactus, de plantes
mauvaises, crêtes dorsales de monstres primitifs, on dirait
qu’aucun plan ne présidait à la construction de ces forêts de dieux
qui semblaient repoussés de l’écorce terrestre comme par la force
des laves. Dix mille ouvriers travaillant ensemble et laissés à
leur inspiration, mais uns de fanatisme et de désirs, pouvaient
seuls étager ces dalles titanesques, les ciseler du haut en bas,
les couvrir de statues aussi serrées que les vies de la jungle et
les soutenir dans les airs sur le feston aérien des ogives
dentelées et l’échafaudage inextricable des colonnes. Statues sur
statues, colonnades sur colonnades, trente styles mêlés,
juxtaposés, superposés, colonnes rondes ou carrées, polygonales, à
étages ou monolithes, lisses ou cannelées ou fouillées ou
surchargées de ciselures avec la confusion suspecte de paquets de
reptiles remuant en cercles visqueux, de pustules soulevées par des
battements mous, de bulles crevant sous les feuilles étalées sur
une eau lourde. Là, comme partout dans l’Inde, l’infiniment petit
et l’infiniment grand se touchent. Quelle que soit la puissance de
ces temples, ils ont l’air à la fois jaillis de la terre sous la
poussée d’une saison et fouillés minutieusement comme un objet
d’ivoire.
    Partout des formes, partout des bas-reliefs
touffus, de l’enceinte des temples à leur faîte, sur les parois
intérieures, souvent au sommet des colonnes où toute l’humanité,
toute l’animalité confondues supportent le fardeau des entablements
et des toits. Tout est prétexte à porter des statues, à se
boursoufler en figures, les chapiteaux, les frontons, les colonnes,
les hauts degrés des pyramides, les marches, les balustrades, les
rampes d’escaliers. Des groupes formidables se soulèvent,
retombent, chevaux cabrés, guerriers, grappes humaines, éruptions
de corps enchevêtrés, troncs et rameaux vivants, foules sculptées
d’un seul mouvement, comme jaillies d’une même matrice. Le vieux
temple monolithe semble retourné violemment et projeté hors de la
terre. L’Indien, sauf aux époques plus

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