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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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les temples bouddhiques,
vénère la statue de Çakia-mouni aussi bien que celles de Shiva, de
Brahma, de Vishnou. Tel temple souterrain commencé aux tout
premiers temps du Bouddhisme, on le creuse encore quand les
Tartares, après les Persans et les Arabes, ont imposé l’Islam à la
moitié des Indiens.

II
    Pour les Indiens, toute la nature est divine,
et, au-dessous du grand Indra, tous les dieux sont de puissance
égale et peuvent menacer ou détrôner les autres dieux, dieux
concrets, dieux abstraits, le soleil, la jungle, le tigre,
l’éléphant, les forces qui créent et celles qui détruisent, la
guerre, l’amour, la mort. Aux Indes, tout a été dieu, tout est dieu
ou sera dieu. Les dieux changent, ils évoluent, ils naissent et
meurent, ils laissent ou non des enfants, ils nouent et dénouent
leur étreinte dans l’imagination des hommes et sur la paroi des
rochers. Ce qui ne meurt pas, aux Indes, c’est la foi, l’immense
foi frénétique et confuse aux mille noms, qui change sans cesse de
forme, mais est toujours la puissance démesurée qui pousse les
masses à agir. Aux Indes, il arrivait ceci. Chassés par une
invasion, une famine, une migration de fauves, des milliers d’êtres
humains se portaient au Nord ou au Sud. Là, au bord de la mer, au
seuil d’une montagne, ils rencontraient une muraille de granit.
Alors, ils entraient tous dans le granit, ils vivaient, ils
aimaient, ils travaillaient, ils mouraient, ils naissaient dans
l’ombre, et, trois ou quatre siècles après ressortaient à des
lieues plus loin, ayant traversé la montagne. Derrière eux, ils
laissaient le roc évidé, des galeries creusées dans tous les sens,
des parois sculptées, ciselées, des piliers naturels ou factices
fouillés à jour, dix mille figures horribles ou charmantes, des
dieux sans nombre, sans noms, des hommes, des femmes, des bêtes,
une marée animale remuant dans les ténèbres. Parfois, pour abriter
une petite pierre noire, comme ils ne rencontraient pas de
clairière sur leur chemin, ils creusaient un abîme au centre du
massif.
    C’est dans ces temples monolithes, sur leurs
parois sombres ou sur leur façade embrasée que se déploie, dans
toute sa puissance épouvantable, le vrai génie indien. Ici se fait
entendre tel qu’il est le langage confus de multitudes confuses.
L’homme, ici, consent sans combat à sa force et à son néant. Il
n’exige pas de la forme l’affirmation d’un idéal déterminé. Il n’y
enferme aucun système. Il la tire brute de l’informe, telle que
l’informe la veut. Il utilise les enfoncements d’ombre et les
accidents du rocher. Ce sont eux qui font la sculpture. S’il reste
de la place, on ajoute des bras au monstre, on lui coupe les jambes
si l’espace est insuffisant. Un pan de mur démesuré rappelle-t-il
la masse sommaire et monstrueuse roulant par troupes moutonnantes
sur les bords des fleuves, à la lisière des forêts, on le taille
par grands plans purs pour en tirer un éléphant. Au hasard des
creux, des saillies, les seins se gonflent, les croupes se tendent
et se meuvent, l’accouplement humain ou bestial, le combat, la
prière, la violence et la douceur naissent de la matière qui paraît
elle-même enivrée sourdement. Les plantes sauvages pourront faire
éclater les formes, les blocs pourront crouler, l’action du soleil
et de l’eau pourra ronger la pierre. Les éléments ne mêleront pas
mieux que le sculpteur toutes ces vies à la confusion de la terre.
Parfois, aux Indes, on retrouve au milieu des bois d’énormes
champignons de pierre luisant sous l’ombre verte comme des plantes
vénéneuses. Parfois, tout seuls, des éléphants épais, aussi
moussus, aussi rugueux que s’ils étaient vivants, mêlés à
l’enchevêtrement des lianes, dans les herbes jusqu’au ventre,
submergés de fleurs et de feuilles et qui ne seront pas plus
absorbés dans l’ivresse de la forêt quand leurs débris seront
retournés à la terre.
    Tout le génie indien est dans ce besoin
toujours inassouvi de remuer la matière, dans son acceptation des
éléments qu’elle lui offre et son indifférence à la destinée des
formes qu’il en a tirées. Il ne faut pas chercher dans l’art qui
nous le livre l’expression peut-être imposée mais réelle de sa
métaphysique comme chez l’Égyptien, la libre expression comme chez
le Grec de sa philosophie sociale, mais l’expression obscure et
trouble, anonyme et profonde, et par là démesurément

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