Le bûcher de Montségur
Doat, t. XXVIII, p. 158.)
DESTRUCTION DES MAISONS « SOUILLÉES » PAR LES CATHARES.
Au nom du Seigneur ainsi soit-il. Comme par la recherche faite, et les dépositions des témoins appelés en justice et assermentés, nous avons trouvé qu’il était évident que dans les maisons de Guillaume Adémar, jurisconsulte, de Raymond Fauret, de Raymond Aron, et dans la propriété de M e Pierre de Medens, située près de Réalmont, pendant les maladies dont ils étaient atteints et qui ont amené leur décès, les surnommés ont été reçus hérétiques dans les dites maisons, suivant le rite exécrable de cette damnée secte.
Nous, Inquisiteurs et Vicaires délégués de l’évêque d’Alby…, après avoir pris l’avis d’hommes sages et experts, usant de l’autorité apostolique à nous confiée, nous disons et prononçons, par sentence définitive, que les maisons susdites et la propriété susdite, avec toutes leurs appartenances et dépendances seront démolies de fond en comble et nous ordonnons qu’elles seront détruites ; nous ordonnons en outre que les matériaux des dites maisons soient livrés aux flammes, à moins qu’il nous paraisse utile, suivant notre volonté, d’employer les dits matériaux à des usages pieux.
Nous ordonnons encore qu’il soit interdit dans les susdits lieux de se livrer à aucune reconstruction, à aucune clôture ; que les susdits lieux resteront inhabités, sans clôture et sans culture, à jamais, par cela seul qu’ils ont été le réceptacle des hérétiques, et qu’ils doivent devenir par cela seul un lieu de proscription…
Cette sentence a été portée l’an du Seigneur 1329, le jour du dimanche, après l’octave de la Nativité de la bienheureuse vierge Marie, sur la place du marché du bourg de Carcassonne. (Doat, op. cit.).
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216 On sait que le bras séculier ne pouvait et ne devait tenir aucun compte de cette charitable recommandation.
VI
LE DEBAT D’IZARN ET DE SICART
Poème provençal du XIII e siècle, rédigé peu de temps après la prise de Montségur, à l’instigation des services de la propagande catholique, dans le but de discréditer le plus possible les militants cathares . Ce texte a été publié, traduit et annoté par Paul Meyer, en 1879, dans l’Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France . On trouvera ici la version abrégée de sa traduction.
— Hérétique, je voudrais bien qu’avant que le feu te saisît, avant que tu sentisses la flamme, si tu ne te convertis pas ce soir, que tu dises ton sentiment, pourquoi tu refuses de croire notre baptême qui est bon et saint… Tu démens ton parrain et le chrême dont tu as été oint, car tu l’as renié et tu en as reçu un autre qui l’opère par l’imposition des mains, selon ta croyance… Tu dis quantité de mensonges dont je ne crois pas un mot… Tu fais croire à l’homme déçu, que tu as donné au diable le séparant de Dieu, qu’il passe de corps en corps, attendant le salut, croyant recouvrer ce qu’il a perdu. Tout lieu, toute terre qui t’a porté devrait périr, s’abîmer, pour le mal immense que tu as tissé, ourdi, semé, là où on t’a cru… Si actuellement tu ne te confesses, le feu est allumé, le crieur va par la ville, le peuple est assemblé pour voir le jugement s’accomplir, car tu vas être brûlé.
— Izarn, dit l’hérétique, si vous me garantissez et me faites garantir que je ne sois pas brûlé, ni emprisonné ni mis à destruction, je souffrirai avec résignation tous les autres tourments, pourvu que vous me sauviez de ceux-là. Et si je puis être assuré que vous ne me sépariez pas de vous, que vous me teniez honorablement, sans violence, vous en apprendrez si long sur nos missions, que, pour vous dire à vous qui maintenant me prenez par la douceur, Berit et P. Razolz 217 n’en savent pas la valeur de trois dés en comparaison de ce que je vous dirai sur ce que vous demandez touchant les hérétiques et les croyants ; mais je veux être à couvert, car, si je vous dis mes secrets, et qu’ensuite vous veniez à me trahir, à divulguer ma confession, si enfin vous ne me preniez pas sous votre protection, vous et les Prêcheurs, je serais volé. Et je vais vous dire pourquoi ; je désire que vous le sachiez. C’est que j’ai sauvé, de ces mains-ci, bien cinq cents personnes que j’ai envoyées en paradis, depuis que je suis sacré évêque. Si je me sépare d’eux et les abandonne,
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