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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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adjoint. À y bien réfléchir, cela n'allait pas de soi. Il s'approcha de son ami, le prit par les épaules. Il éprouva aussitôt la violence de son émotion, toute sa résistance troublée. Enfin Bourdeau se relâcha et Nicolas lui parla quasiment à l'oreille.
    — Pierre, il faut me comprendre. Antoinette, de passage à Paris, a vu Louis secrètement. En dépit de ce qu'elle lui avait intimé, il m'a confié la chose. J'ai voulu la revoir. Chez elle, rue du Bac. J'ai remarqué des ballots portant la mention Mrs Alice Dombey . Cela m'a intrigué et, sur le coup, j'ai cru qu'il s'agissait d'une cliente londonienne d'Antoinette. Cela cependant ne laissait pas de m'intriguer. Mais après ce que tu viens de me révéler, l'observation me met en cervelle 94 . Le doute n'est plus permis. Dans quel brouillement s'est-elle jetée ? Alors toi que j'aime comme un frère, me vas-tu pardonner un écart et me rendre la paix sans encore ajouter à la peine et à l'inquiétude que cette nouvelle m'apporte en m'accablant ?
    Bourdeau se leva et se retourna, les yeux embués. Il serra Nicolas contre lui.
    — C'est moi qui suis une vieille bête ! Toujours soucieux de vérifier la chance d'être depuis tant d'années à tes côtés, il me faut, de temps en temps, m'assurer de la réalité de ce bonheur. Oublie ce mouvement d'humeur.
    Soudain Bourdeau vit Nicolas pâlir, chercher une chaise, s'y laisser tomber comme frappé de sidération 95 et murmurer des propos incohérents.
    — Voilà bien… Et, oui, la chose que j'avais oubliée… Cette vision fugitive… Les masques de la chienlit… Le carrosse… L'obscurité… Juste avant et sans doute pendant. Quant aux traces… effacées et perdues dans la neige… Que n'ai-je alors fait le rapport entre les deux événements ?
    Son ami, de plus en plus ahuri, l'écoutait sans rien comprendre.
    — Que nous débites-tu là ?
    — Que je m'en veux de n'y avoir point songé auparavant. Il se trouve que le soir où notre inconnu du Fort-l'Évêque a été tué, j'arpentais la rue Saint-Germain-l'Auxerrois venant de souper dans une taverne du carrefour des Trois-Maries. Or plusieurs choses m'avaient frappé à ce moment-là. D'abord les lanternes éteintes et une étrange rencontre à deux reprises, la seconde à l'angle de la rue de la Sonnerie, enfin un carrosse croisé qui allait au pas. Un instant une main essuya la buée de la glace et un visage maquillé – ou était-ce un masque ? – me fixa avec insistance. J'eus alors l'impression du déjà vu, puis j'oubliai l'incident. Ce que tu viens de m'apprendre m'en fait souvenir et le visage une seconde aperçu alors, j'en suis maintenant assuré était celui de Lord Aschbury.
    — Ainsi…
    — Ainsi tout est lié et les conséquences sont d'importance. Raisonnons froidement. Un inconnu, auquel d'évidence les autorités s'intéressent, est mis au secret au Fort-l'Évêque. Première incongruité : il s'en évade dans des conditions plus que douteuses. On ose dire qu'il est assassiné à deux reprises, ou plutôt achevé à coups de canne. Quelques instants auparavant, une voiture occupée par le chef du secret anglais patrouille dans la rue. Exeunt tous les témoins : le gouverneur ? point. Les traiteurs ? disparus ou inconnus. L'obscurité la plus épaisse s'étend sur cette affaire que s'obstine à ne point connaître Sartine et dont Le Noir n'est point informé. Et maintenant le comble ! Lord Aschbury, mon vieil adversaire et éternel comploteur, est de retour à Paris en compagnie de Mrs Alice Dombey, qui n'est autre qu'Antoinette, hélas ! Que devons-nous penser de cet imbroglio ?
    — Il y a sans doute à cela des explications toutes simples, dit Bourdeau conciliant. Sans doute des coïncidences, certes fâcheuses, mais rien d'autre sinon un entremêlement inextricable de fausses et de vraies présomptions. Voyager sur le même paquebot, entrer à Paris le même jour et se retrouver sur la même main-courante de police ne signifient pas plus qu'une suite d'événements de rencontres sans doute fortuites.
    — Allons ! Tu n'en crois rien et me dévides des balivernes pour apaiser mon inquiétude. Tu as toi-même souligné qu'elle accompagnait Aschbury et c'est bien sous ce nom qu'elle est entrée en France. Pourquoi ?
    — Je n'ignore point tout cela, cependant imagine qu'elle ait souhaité la plus grande discrétion, qu'elle craigne au plus haut point qu'on la reconnaisse comme Antoinette Godelet et,

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