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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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mentionnés.
    — Te voilà bien méditatif, Pierre. Et dès potron-minet !
    — Tes demandes n'ont cessé de me courir la tête. J'ai voulu y travailler au plus tôt. Je suis passé dès six heures à l'hôtel de police rue Neuve-des-Capucines. J'ai secoué d'importance tout ce petit monde assoupi. Imagine l'ardeur de la permanence de nuit !
    — Je le veux bien croire ! Et des réponses à mes questions sont-elles le fruit de ce zèle ?
    — En vérité je le crois et tu vas être étonné du résultat de cette cueillette. Tout tourne autour du ministre anglais à Paris.
    — Lord Stormont ?
    — Lui-même. Le 15 janvier il a donné audience à un gentilhomme anglais, M. Calley, logé à l'hôtel du Grand Villars, rue Saint-Guillaume. Il l'a revu ensuite à maintes reprises pour de longues conférences. Le 30 janvier, un valet a surpris un morceau de conversation «  les Français font des efforts pour traverser…  ». L'excellence a fait signe à son interlocuteur de ne point poursuivre. Ils se sont enfermés et sont demeurés une heure ensemble, puis il a fait dire à son secrétaire de retarder le courrier prêt à partir, qu'il avait quelque chose à y ajouter. Un des paquets a par conséquent été ouvert.
    — Cela donne une image flatteuse de notre police, mais où cela nous mène-t-il pour notre affaire ?
    — Modère ton ardeur et écoute la suite. Ce M. Calley, qui au passage prend des apparences et des coiffures différentes à chacune de ses apparitions, a eu ensuite des entretiens avec un certain M. Belfort qu'on soupçonne être le secrétaire de Lord Germaine 91 et qui serait censé ne point avoir de relations ouvertes avec Lord Stormont, vu l'incognito qu'il observe et les matières dont il traite, sinon par le truchement de ce M. Calley. On a découvert qu'il avait des correspondants à Brest, Cherbourg, Lorient et Nantes d'où ils relèvent le mouvement de ces ports. M. Calley s'est aussi enquis auprès de Geoffroy, banquier rue Vivienne, du départ imminent de plusieurs vaisseaux. Le lendemain, il s'est entretenu avec le chevalier von Issen, sujet du roi Frédéric, venant de Berlin.
    — Je ne vois toujours pas…
    — Quand tu sauras que ce M. Calley n'est autre que notre vieil ami Lord Aschbury, chef du secret anglais et ton plus persistant adversaire, tu comprendras ! Et, comme tu parais t'intéresser, sans m'en vouloir éclairer, à une certaine Mrs Alice Dombey, sache qu'elle œuvre à ses côtés.
    Il ouvrit un autre registre.
    — Écoute la suite. Je lis pour l'arrivée des Étrangers à Paris : le 10 janvier, MM. Kirkpatrick, le chevalier Fox, MM. Hunter et Belfort, M. Calley, accompagné de Mrs Alice Dombey, marchande de mode à Londres. Je souligne accompagné  !
    — Et alors ? dit Nicolas, baissant les yeux le cœur pris dans un étau de glace.
    — Et alors ? Il serait bon et convenant que monsieur Nicolas ne se paye pas la tête du sieur Bourdeau, inspecteur de police au Châtelet et son meilleur ami depuis tant d'années. Que le sieur Bourdeau, honnête comme un écu blanc 92 , n'est pas de ceux qu'on empaume en empiétant sur sa fidélité. Qu'il ne mérite pas qu'on le traite ainsi. Surtout quand il découvre que la dite Alice Dombey loge dans un appartement appartenant à Antoinette Godelet dite la Satin, personne que connaît bien un certain commissaire ! Voilà mon paquet ! Et j'y ajoute qu'une certaine mine blafarde et moliniste 93 , le nez fixant la pointe des bottes, n'était pas en mesure d'assoupir l'attention de quelqu'un qui t'est si cher…
    La voix de Bourdeau se cassa et il se retourna pour fixer la cheminée.
    Pourquoi fallait-il toujours, songeait Nicolas, que les joies fussent accompagnées d'amères contreparties. Il avait revu Antoinette et malgré ses remords en éprouvait une aimable tendresse. Pourquoi devait-il payer cela d'une peine affligée à Bourdeau, le dernier à qui il aurait souhaité faire peine. Le mal étant accompli, il devait trouver le geste pour le convaincre. Le trop sensible amour-propre de l'inspecteur ne supportait pas d'être le moins du monde mis à l'écart. La plus insignifiante vicissitude de leur longue complicité menait droit à une incandescence ranimant chez lui la crainte d'un affaiblissement de leur amitié. Nicolas se souvint que le concours de Bourdeau lui avait été acquis tout d'une pièce, sans discussion ni réticences, dès le moment où Sartine l'avait désigné comme son

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