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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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reine !
    — Allons, ne préjuge pas son honnêteté ou même sa vertu ; tout ce qui touche à l'ornement de la femme touche à l'amour !
    Chaque retour au Dauphin couronné ramenait Nicolas vers son passé. Ce lieu ponctuait les étapes de son existence mouvementée. Les liens si particuliers que la police entretenait avec le monde de la débauche se doublaient pour lui d'une sorte d'attachement distant et parfois indulgent pour la Paulet, même s'il ne se dissimulait pas les obscurs travers du personnage. Elle s'était révélée en de mémorables occasions généreuse, d'une chaleur de cœur que rien n'aurait pu laisser supposer.
    La porte était entrouverte, sans doute mal tirée : c'était bien la première fois qu'il n'était pas accueilli par la belle et sombre fille des tropiques, connue tout enfant encore. Dans la semi-obscurité de la rotonde, il prit conscience que le décor, sans abandonner son pompeux criard, avait changé. La maison, naguère parée d'une somptuosité de mauvais aloi, du goût propre aux établissements de cette nature, subissait l'usure du temps. Par endroits la tapisserie éteinte paraissait dégradée, décollée sinon souillée. Les fauteuils en cabriolets branlaient sur leurs pieds fatigués, leurs fines moulures égratignées. La trame des tapis, éraillée, ajoutait au désordre des franges inégales. Il poussa plus avant dans cette pièce où la Paulet recevait le chaland et le dirigeait vers les alcôves ad hoc, absides discrètes de ce temple de Vénus. De l'une d'entre elles provenaient des mots et des soupirs dont la signification n'avait rien d'équivoque.
    — La belle gorge que voilà ! Est-elle ferme, la coquine et que les globes en sont bien disposés !
    — Monsieur ! Tirez votre main !
    — Eh quoi ! Friponne. À ton tour tu me serres… J'entends à merveille ce que cela veut dire. Ôte donc cette palatine 96 . Elle ne te sied guère, et elle m'importune.
    — C'est qu'il fait froid !
    — Pour moi, je suis tout en feu !
    — Arrêtez, de grâce !
    Nicolas, qui ne souhaitait pas tenir la chandelle, se mit à tousser devant la crise proche.
    — Ah, malheur ! Voilà quelqu'un. C'est sans doute la vieille outre.
    La tenture s'ouvrit brutalement découvrant un jeune homme bien découplé, la chemise et la culotte en bataille. D'un air courroucé il toisait le commissaire.
    — Bigre, quel est ce fendant ?
    Son visage s'empourprait, à la fois commun et beau. Derrière lui, la jeune négresse, le teint gris, baissait la tête, ayant reconnu son vieil ami Nicolas. L'une de ses mains faisait des gestes désespérés comme si elle eût voulu qu'il décampât, de l'autre elle tentait de se rajuster. L'inconnu, les mains sur ses hanches, considérait l'épée du visiteur.
    — Voyez-vous donc le goyer 97 avec son olinde 98 . À qui croit-il en remontrer, ce matamore ? Faudrait-il avoir peur ?
    L'irritation gagna Nicolas qui pourtant se contint, impassible et la parole mesurée.
    — Monsieur, cette irritation n'est point de mise. Je ne nourris aucune mauvaise intention à votre égard. Je dois seulement m'entretenir sans désemparer avec la maîtresse des lieux.
    — Point de tout cela ici. Il y a moi et c'est tout !
    — Certes, monsieur, je vous vois, mais songez que je souhaite voir Mme Paulet, une vieille amie.
    — Mme Paulet ! Comme il y va, ce gonze ! Vieille amie ! Je t'en foutrais… Pas visible, elle est souffrante.
    Derrière lui la jeune femme s'évertuait à faire des gestes de dénégation.
    — Raison de plus. Cela est pitoyable et je vais envoyer de ce pas quérir un médecin de mes amis qui loge rue Saint-Honoré.
    — Qui est le maître ici ?
    L'autre roulait des yeux furieux, les mains sur les hanches. Nicolas, à qui rien n'échappait, remarqua que sa culotte paraissait appartenir à un uniforme. L'homme, en dépit d'un poil largement répandu, ne paraissait guère plus de vingt-cinq ans. Il glissait insensiblement vers un pouf où gisait son habit abandonné. Cet uniforme de garde-française dissimulait mal la poignée d'une épée. Nicolas tira son tricorne et le tint contre sa poitrine, la main droite sur le pistolet offert jadis par Bourdeau. L'homme l'observait d'un air sournois, la main à quelques pouces de son arme. Nicolas entendait prévenir ces inquiétantes intentions. Il leva soudain son bras en l'air et fit feu. Une fine poussière de plâtre tomba tandis que, prises de folie, les pendeloques du grand

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