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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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lustre se mettaient à tinter. La négresse poussa un glapissement. L'homme, la mine basse, recula contre la muraille, se ramassant comme s'il allait bondir. Enfin une boule blanche jaillit de dessous un sofa, aboyant tous crocs découverts. Un coup de talon sur le plancher rejeta la chose gémissante dans sa retraite. Les échos de la détonation se calmèrent, laissant la place à des pas lourds et traînants. La Paulet, énorme, voûtée, la respiration sifflante, apparut, ses grosses jambes ouvrant sa chenille, tout entourées de bandes de tissu. De guingois, une perruque blonde oscillait sur sa tête, surmontant un visage truellé de céruse, de carmin et de noir. Elle s'appuyait sur une canne enrubannée. Ses petits yeux noyés dans la graisse parcoururent le champ de bataille. Chaque détail de la scène fut scruté et analysé. La jeune femme s'enfuit en sanglotant et poussa un cri plaintif quand, au passage, la vieille maquerelle lui décocha un coup de canne. La Paulet marcha alors vers le soldat qui, après une velléité de révolte, déguerpit avec un regard haineux vers le commissaire. Survint alors une scène dont Nicolas se remémorerait longtemps les détails. Sa vieille amie éclata en pleurs, le saisit et s'écrasa contre son large corps. Le busc du corset lui entra dans l'estomac. De cette étreinte désespérée montaient les senteurs composites des fards, des parfums puissants, de la sueur âcre et, par-dessus tout cela, une odeur à la fois forte et sucrée dans laquelle il finit par déceler les vapeurs du ratafia. Se dégageant avec peine, il la repoussa doucement. Elle geignait, dolente, et se laissa enfin choir sur un fauteuil qui gémit et protesta contre la masse qui soudain l'accablait. Elle bredouillait.
    — Bien malheureuse… Bien malheureuse. Qu'était-ce donc que tout ce tintamarre-là ? Pardié, je suis bien aise de te voir, mon Nicolas. Tu ne peux savoir…
    Elle tentait de reprendre souffle, pareille à un cuir de forge déréglé !
    — Ce vaurien, ce maroufle que j'ai accueilli, nourri, dorloté, m'en a-t-il quelque reconnaissance ? Oh ! Il est contraint d'avoir des complaisances pour moi… Je le tiens, et la Paulet n'est pas encore au point de ne pas soulever ce que tu as surpris ; je puis deviner la pantomire.
    — Mime.
    — Quoi, mime ? Ce n'est point charitable de te moquer, j'ai toujours clabaudé comme je voulais. Enfin… sans avoir recours aux questions, je devine aisément l'action. Après s'enivrer, foutre !
    Nicolas se mit à rire.
    — L'algarade n'est point de mon fait.
    Mais vous qui me parlez, mettez-vous à ma place
    Que diriez-vous trouvant une fille chez vous
    Sur un sofa pâmée, un homme à ses genoux
    Promenant ses regards dessus sa gorge nue 99  ?
    — Voilà qui me chatouille la mémoire. J'ai entendu cela quand je tenais théâtre…
    — C'est ainsi que vous nommiez alors ces scènes animées dans lesquelles jouvencelles et godelureaux se livraient à…
    — Tu peux railler : d'autres du plus beau linge y donnaient la main sans vergogne. Mais, pour en revenir au matou, la petite qui me doit tout a du vif-argent dans les fesses et malgré ce que j'ai pu faire, elle a toujours rompu mes mesures. Il me faut bien fermer les yeux sur les jeux de cette effrontée : elle connaît toutes mes affaires.
    Elle ouvrit un petit cabaret d'acajou et remplit deux verres cabochons d'un liquide ambré. Elle en tendit un à Nicolas et vida l'autre d'un trait. Elle recommença trois fois en dépit des hochements de tête attristés de Nicolas. Calmée, elle se rajusta, se considéra dans le miroir, essuya ses larmes en mélangeant la palette de ses fards et offrit au commissaire un visage de cauchemar.
    — Vois-tu, je me sens hors de gamme avec cette maison lourde à mener. Je n'ai jamais voulu passer la main et me départir de sa gouverne. La Présidente naguère n'a point fait l'affaire… Une écervelée ! J'avais besoin d'un bras, enfin je m'entends.
    Nicolas songea soudain que pour lui elle n'avait plus d'âge. Il l'avait toujours vue ainsi. Elle avait bien la cinquantaine quand il l'avait rencontrée pour la première fois. Ainsi elle approchait les soixante-dix ans. Que s'était-elle acoquinée avec ce grand flandrin ? Son expérience et ce qu'il observait à la cour, tout lui faisait comprendre que les ans n'éteignaient pas toujours l'amoureuse passion et le désir. Mille exemples lui revinrent en mémoire.
    — Vois-tu, quand il

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