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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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indisposé.
    — Je n'ai pas l'habitude de traiter commerce ailleurs que chez moi, avait-il bougonné devant ce personnage inquiétant.
    — En ce cas pourquoi vous être déplacé, sire Conan ? l'avait raillé l'inconnu en les isolant tous deux dans la sacristie déserte.
    Conan n'avait pas relevé. Visiblement, son interlocuteur savait ses faiblesses. Le billet qu'il lui avait fait porter la veille avait éveillé sa cupidité. Finement libellé, le message lui promettait une somme mirobolante s'il acceptait, en toute discrétion, le marché pour lequel son expéditeur avait été mandaté. Conan n'en avait pas dormi de la nuit. Il n'avait pas été déçu par la bourse qu'on lui avait remise. Ses scrupules l'avaient rattrapé lorsque dans l'autre main on avait déposé un tout petit flacon ambré, au bouchon cacheté de cire.
    — Qu'est-ce ?
    — Du venin de scorpion.
    Conan de Dreux avait failli le lâcher. Les yeux exorbités, il s'était repris, refusant le sourire narquois de son visiteur.
    — Que voulez-vous donc que j'en fasse ?
    — Ce pour quoi vous venez d'être payé.
    — Mais enfin, c'est du poison. Je…
    Il était devenu livide, comprenant soudain ce qu'on attendait de lui et qui se trouvait bien éloigné de son métier. Refusant d'entendre seulement le nom de la victime, il avait secoué la tête.
    — Je ne suis pas un meurtrier.
    — Mais vous êtes un commerçant, n'est-ce pas ? s'était amusé le Génois en s'adossant à l'huis, comme s'il avait voulu lui interdire le passage. Conan avait senti son cœur palpiter plus fort dans sa poitrine. Il n'était pas couard de nature, mais contre cet homme si effrayant malgré sa courtoisie, tout courage l'avait quitté. Il avait dégluti.
    — Qu'est-ce à dire ?
    — Que le sultan Bayezid achète un bon prix les draperies que vous lui vendez par notre intermédiaire. Mais tout commerce a ses revers. Si nous ouvrions celui-ci à la concurrence, forte dans cette ville…
    — C'est du chantage ! s'était dressé Conan dans un sursaut de volonté.
    — Appelez cela comme vous le voulez, sire Conan. Mais réfléchissez aux avantages que vous retireriez de notre arrangement. Outre cette fortune que je vous ai remise, la reconnaissance du sultan vous serait acquise et je ne doute pas un instant qu'il double vos commandes avant la fin de cette année.
    L'œil de Conan avait pétillé avant qu'il ne le baisse, honteux de sa propre faiblesse.
    — Et en quoi donc le sultan Bayezid serait-il intéressé par le succès de cette affaire ?
    — En ce que c'est son frère, le prince Djem, qu'il vous faut assassiner.
    Conan de Dreux avait sursauté.
    — Son frère ? Mais où vais-je le trouver ?
    — Pas bien loin. Il viendra à Romans pour le tournoi. Vous voyez, sire Conan. Vous seul par votre position auprès des notables pouvez rendre ce service au sultan. Que décidez-vous ? lui avait demandé encore le Génois en posant ostensiblement la paume de sa main sur le manche du poignard qu'il portait à la ceinture.
    Conan n'avait pas douté un instant de le prendre en plein cœur s'il n'acceptait. Ce genre de transaction n'admettait pas de témoin.
    Il avait hoché la tête. Sa vie en dépendait.
    Soulageant de nouveau sa conscience avec ce constat, il s'abandonna à la torpeur qui le gagnait.
    Lorsque Marie revint de la cuisine, porteuse d'un verre de verveine, elle trouva son père assoupi, la bourse aux écus d'or emprisonnée entre ses bras croisés.
     

3
    Passé le pont et l'église Saint-Barnard, son entrée dans la ville fut triomphale, à lui, le banni, le déchu, le prisonnier des hospitaliers. Elle ressembla à la délivrance d'une cité quand, au plus fort d'une guerre, l'allié accourt pour lever un trop long siège. Djem se sentit auréolé d'une vigueur nouvelle à entendre ces hurrahs criés des balcons, à voir ces dames secouer leurs mouchoirs avec dans l'œil un éclair de convoitise. Il se savait bel homme. À vingt-cinq ans il l'était encore assurément, malgré le manque réel d'exercice qui lui donnait un peu de ballant au ventre, malgré cette pilosité excessive qu'il contenait en boutonnant plus haut son col et plus bas ses manches. Ses épaules, bien découplées sous sa longue veste brodée de fil d'or et rehaussée de pierreries, se relevèrent avec l'orgueil trop longtemps contenu d'un conquérant. À sa taille, enroulée sur le pantalon bouffant, une large ceinture de toile garance retenait son cimeterre.

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