LE CHÂTEAU DANGEREUX
générale, se terminer d’une manière si avantageuse pour son pays, se contenta de donner sa bénédiction à la multitude assemblée, et se retira avec ceux qui étaient venus assister au service du jour.
Cette reddition du château de Douglas, le dimanche des Rameaux, le 19 mars 1306-7, fut le commencement d’une suite de conquêtes non interrompues, par lesquelles la plus grande partie des places et des forteresses de l’Écosse furent remises aux mains de ceux qui combattaient pour la liberté de leur pays, jusqu’à ce que la victoire décisive fût remportée dans les plaines fameuses de Rhaunockburn, où les Anglais essuyèrent une défaite plus désastreuse que toutes celles dont leurs annales font mention. Il reste peu de chose à dire sur les différens personnages de cette histoire. Le roi Édouard fut vivement irrité contre sir John de Walton pour avoir rendu le château de Douglas, et s’être néanmoins assuré l’objet de son ambition, la main enviée de l’héritière de Berkely. Les chevaliers, à la décision desquels l’affaire fut soumise, déclarèrent cependant que de Walton ne méritait aucune censure, puisqu’il avait rempli son devoir avec exactitude jusqu’à l’instant où l’ordre de son officier supérieur l’avait obligé de rendre le Château Dangereux.
Un singulier raccommodement eut lieu, plusieurs mois après, entre Marguerite de Hautlieu et son amant, sir Malcolm Fleming. L’usage que cette noble dame fit de sa liberté et de la sentence du parlement écossais qui la remettait en possession de l’héritage de son père, fut de s’abandonner à son esprit aventureux en affrontant des périls que ne bravent pas ordinairement les personnes de son sexe ; et lady de Hautlieu fut non seulement une intrépide chasseresse, mais encore se montra, dit-on, courageuse jusque sur des champs de bataille. Elle demeura fidèle aux principes politiques qu’elle avait adoptés jeune encore ; et il semble qu’elle avait formé la résolution de tenir le dieu Cupidon à distance, sinon de le fouler sous les pieds de son cheval.
Fleming, quoiqu’il eût quitté les environs du comté de Lanark et d’Ayr, essaya de s’excuser auprès de lady de Hautlieu, qui lui renvoya sa lettre sans l’avoir ouverte, et parut suivant toute apparence bien déterminée à ne plus songer à leur ancien engagement. Il arriva néanmoins, à une époque plus avancée de la guerre contre l’Angleterre, qu’une nuit où Fleming voyageait sur les frontières, suivant la coutume de ceux qui cherchaient des aventures, une jeune suivante, portant un costume fantastique, vint lui demander la protection de son bras, au nom de sa maîtresse, qui venait, le soir même, d’être arrêtée, disait-elle, par des coquins qui l’emmenaient de force dans la forêt. La lance de Fleming fut aussitôt mise en arrêt, et malheur au bandit à qui le sort réservait d’en recevoir le premier choc ! En effet il roula sur la poussière, et fut mis hors de combat. Un second coquin éprouva le même sort sans beaucoup plus de résistance, et la dame, délivrée des cordes déshonorantes qui la privaient de sa liberté, n’hésita point à faire compagnie avec le brave chevalier qui l’avait secourue ; et quoique l’obscurité ne lui permît pas de reconnaître son ancien amant dans son libérateur, elle ne put s’empêcher néanmoins de prêter volontiers l’oreille aux discours qu’il lui tint pendant qu’ils cheminaient ensemble. Il dit que les bandits qu’il avait terrassés étaient des Anglais qui se plaisaient à exercer des actes de barbarie et d’oppression contre les demoiselles d’Écosse qu’ils rencontraient, et qu’en conséquence c’était une obligation pour les guerriers de ce pays d’en tirer vengeance, tant que le sang coulerait dans leurs veines. Il parla de l’injustice de la querelle nationale qui avait servi de prétexte à cette oppression faite de propos délibéré ; et la dame, qui elle-même avait tant souffert de l’intervention des Anglais dans les affaires de l’Écosse, entra sans peine dans les sentimens qu’il exprimait sur un sujet qu’elle avait tant raison de regarder comme affligeant. Sa réponse fut en conséquence celle d’une personne qui n’hésiterait pas, si les temps venaient à demander un pareil exemple, à défendre même de sa main les droits qu’elle ne soutenait alors que de la langue.
Charmé des opinions qu’elle énonçait, et retrouvant
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