LE CHÂTEAU DANGEREUX
usage. »
« La garnison placée chez lui, continua le ménestrel lisant, consiste en une lance avec son équipage… » Ah ! c’est donc une lance en d’autres termes, un chevalier armé qui commande cette garnison ? »
« Ceci ne te regarde pas, » dit l’archer.
« Si vraiment, répliqua le ménestrel ; nous avons droit d’être interrogés par le plus haut en grade des soldats ici présens. »
« Je le montrerai, coquin, dit l’archer en se levant, que je suis assez lance pour que tu veuilles bien me répondre, et je te casserai la tête si tu ajoutes un seuil mot. »
« Prends garde, frère Anthony, dit son camarade, nous devons traiter les voyageurs avec politesse, et sortant, avec ta permission, les voyageurs qui viennent de notre pays natal. »
« C’est ce qui vous est recommandé ici, » ajoute le ménestrel, et il reprit sa lecture.
« La garde dudit poste d’Hazelside arrêtera et interrogera tous les voyageurs qui passeront par le susdit endroit leur permettant de continuer leur route vers la ville ou vers le château de Douglas, toujours les traitant avec civilité, mais les détenant et leur faisant rebrousser chemin, si le moindre soupçon s’élève sur leur compte ; du reste se conduisant en toutes choses avec politesse et courtoisie à l’égard des gens du pays et des personnes qui y voyagent… » Vous voyez, excellent et très brave archer, ajouta le commentateur Bertram, que la courtoisie et la politesse sont surtout recommandées votre seigneurie pour la conduite que vous devez tenir envers les habitans et les voyageurs qui, comme nous, se trouvent être soumis aux règles qui vous sont tracées. »
« Ce n’est, pas en cette heure du jour, dit l’archer, que je me laisserai dire comme je dois me conduire dans l’accomplissement de mes devoirs. Je vous conseille donc, sir ménestrel, d’être franc et sincère dans vos réponses à nos questions, et vous n’aurez pas lieu, de vous plaindre de nous. »
« J’espère, en tout cas, reprit le ménestrel, que vous aurez de l’indulgence pour mon fils qui n’est encore qu’un pauvre garçon timide, et peu habitué à jouer un rôle dans l’équipage qui habite le grand navire du monde. »
« Eh bien ! continua le plus poli et le plus âgé des deux archers, si ton fils est novice dans cette navigation terrestre, je te réponds que toi, mon ami, à en juger par ton air et ton langage, tu es assez habile pour bien diriger ta barque. Pour te rassurer, quoiqu’il faille que tu répondes, toi, aux questions de notre gouverneur ou député-gouverneur, afin qu’il puisse voir que tes intentions ne sont pas mauvaises, je crois qu’il est possible de permettre à ton fils de rester dans le couvent ici près, où, soit dit en passant, les nonnes sont aussi vieilles que les moines, et ont presque d’aussi longues barbes, de sorte que tu peux être certain de la moralité de ton fils, jusqu’à ce que tu aies terminé tes affaires au château de Douglas, et que tu sois prêt à te remettre eu route. »
« Si une telle permission peut être obtenue, dit le ménestrel, je préférerai laisser mon fils à l’abbaye, et aller moi-même, en premier lieu, prendre les ordres de votre officier commandant. »
« À coup sûr, répondit l’archer, c’est là le parti le plus sage et le meilleur ; et avec une pièce ou deux d’argent, tu peux t’assurer la protection de l’abbé. »
« Tu dis bien, répliqua le ménestrel ; j’ai connu la vie, j’ai connu pendant quelques trente ans les usages, les issues, les sentiers, les détours du désert que nous habitons ; et quand on ne peut y diriger heureusement sa course en habile marin, après avoir fait un pareil apprentissage, il est difficile qu’on s’instruise jamais, dût-on avoir tout un siècle pour cela. »
« Puisque tu es un marin si expérimenté, répliqua l’archer Anthony, tu as, j’en réponds, contracté dans tes voyages l’habitude de boire ce qu’on appelle le coup du matin, coup que d’ordinaire ceux qui sont conduits par d’autres là où ils manquent eux-mêmes d’expérience, paient à ceux qui se chargent de leur servir de guides en pareille occasion. »
« Je vous comprends, sire archer, répondit le ménestrel, et quoique l’argent ou le pourboire {9} , comme disent les Flamands, soit une marchandise assez rare dans la bourse d’un homme de ma profession, néanmoins, suivant mes faibles moyens, tu
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