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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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été dit comme une évidence, mais en baissant la
voix – car bien des informations étaient recueillies sous le sceau de la
confession, mais il ne fallait jamais mentionner ce fait.
    — En outre, les moines guerriers du Temple et de
l’Hôpital font de formidables messagers, ajouta Di Morra. Ils ont affaire à
tout le monde, chrétiens, Sarrasins, Juifs, d’Orient ou d’Occident, militaires,
religieux, diplomates, marchands, banquiers, rois, manants… Nous sommes au
sommet et en bas de l’échelle. Pas un murmure ne nous échappe. Pas un bruit.
    Di Morra avait fini de parler quand Josias atteignit une
petite porte dissimulée dans une encoignure. Le moine l’ouvrit et invita Josias
à le précéder dans un escalier en colimaçon. Ils devaient être dans l’une des
deux tours à l’entrée du château. Un vent coulis provenant des étages
supérieurs courut au ras du sol, et remonta sous la robe de Josias, qui fut
pris d’un frisson. C’était pourtant l’été, mais l’épaisseur des murs tenait la
chaleur à l’écart.
    — Quand vous serez en présence de Sa Sainteté,
poursuivit Di Morra, ne vous adressez pas à elle directement. Parlez à l’évêque
de Préneste, qui lui transmettra vos paroles. Sa Sainteté est extrêmement
lasse, et, si son corps est ici bas, je crains que son âme ne soit déjà auprès
de Dieu…
    Après une nouvelle enfilade de salles, Di Morra s’arrêta
devant une double porte aux armes de la papauté – de gueules à deux clefs
d’argent passées en sautoir. Il empoigna le heurtoir d’argent en forme de
marteau, et frappa trois coups légers. Deux valets vêtus de noir, et qui
restèrent dans l’ombre, ouvrirent les portes sur une grande salle plongée dans
des ténèbres que parvenaient à peine à dissiper quelques chandelles de suif.
Des formes vagues se distinguaient dans la pièce – en robes rouges ou
noires, elles parlaient à voix basse dans l’obscurité : c’étaient des membres
de la curie qui avaient fait le voyage jusqu’à Ferrare.
    Au fond de la pièce une estrade permettait d’accéder à un
lit immense. Quelqu’un s’y trouvait couché. À ses côtés, vêtu de noir et tenant
dans sa main un rouleau de parchemin, un homme à la figure de rat susurrait
quelques paroles à l’oreille du pape.
    — Approchez ! fit l’homme en noir en voyant Josias
et Di Morra entrer.
    Ils s’avancèrent au milieu des murmures, des bruissements de
robes et des regards inquisiteurs. Josias focalisa son esprit sur ce qu’il
avait sous les yeux : un moribond alité – le pape. Il était frappé
par le contraste qui existait entre cet endroit et le faste qu’il avait imaginé
trouver au Vatican. Au-dessus du lit était cloué un simple crucifix de bois,
ainsi que deux peintures, l’une représentant L’Arrivée au mont Soracte des
envoyés de Constantin, l’autre Noé recevant de Dieu l’ordre de
construire l’arche. Le sol était carrelé de rouge et de brun se répétant
jusqu’au plafond, orné de moulures géométriques. Le reste du mobilier se
fondait dans l’ombre, mais Josias devina un grand bureau de chêne qui servait
d’écritoire, plusieurs armoires, un lutrin où reposait un ouvrage, sans doute
une Bible, et quelques chaises à dossier de cuir rouge. Près du lit se trouvait
une console où étaient posés deux verres à pied torsadé, une carafe de vin et
quelques galettes de froment – qui paraissaient orientales, sans que
Josias pût dire pourquoi. En somme, cette pièce était à l’image du reste du
château : sans luxe ostentatoire.
    On était loin de la profusion de splendeurs qui régnait à
l’intérieur de certains palais orientaux ; si loin d’ailleurs que tout ici
sentait la mort – peut-être parce qu’il y avait effectivement un mourant.
Josias comprit alors que la tristesse qu’il avait ressentie en arrivant à
Ferrare, le voile qui obscurcissait la ville, trouvaient leur source ici, dans
cette pièce, et plus précisément dans le regard absent de la personne que Di
Morra lui présentait :
    — Sa Sainteté le pape Urbain III, dit le moine en
s’agenouillant devant le Vicaire de Pierre. (Puis, se relevant et baisant la
main de l’homme qui leur avait commandé d’approcher :) Monseigneur
l’évêque de Préneste, le camérier de Sa Sainteté, Son Excellence Paolo Scolari.
    Pendant que Di Morra finissait les présentations, Josias
alla baiser la main du pape, qui lui parut étrangement chaude,

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