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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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« Ordre du frère commandeur », avait-il déclaré. Il se savonna le
torse, les bras, puis le visage, la barbe et les cheveux. Cela fait, il se
redressa, se lava le ventre, les jambes et les pieds. Enfin il se rassit, songeur,
et mordit dans la cuisse d’un chapon qu’un auxiliaire avait posé sur une table
non loin de lui.
    « Que cet instant dure le plus longtemps
possible. » Voici ce dont il rêvait. Un bain de toute une vie.
    Il ferma les yeux, savourant l’étrange action du savon sur
sa peau. Il avait l’impression que des anges le caressaient, et ses paupières
se firent de plus en plus lourdes. La journée était pourtant loin d’être
terminée. Il inspira une profonde bouffée d’air humide et se sentit empli d’un
curieux bonheur, tranquille et égoïste. Depuis combien de temps n’avait-il pas
dormi en paix ? Depuis qu’il avait quitté la France, se dit-il. Une nuit,
pourtant, en Égypte… Soudain, un cri lui fit rouvrir les yeux : des
sentinelles se hélaient sur les remparts.
    Puis il entendit d’autres cris, des cavalcades, des
grincements de herses qu’on soulève, des portes qu’on ouvre et des appels à
l’aide.
    Il se leva dans son bain, raide comme un piquet, quand la
porte de l’étuve s’ouvrit : quelqu’un venait à grands pas dans sa direction.
Une ombre traversait les vapeurs épaisses, écartant sur son passage les draps
suspendus dans la pièce pour préserver l’intimité des baigneurs. Méfiant,
Morgennes chercha son épée de l’autre côté de la cuve, ne la trouva pas,
s’inquiéta, puis se rappela qu’il n’en avait plus. Qu’importe, il se battrait
avec ses poings s’il le fallait. Il prit un peu d’eau dans ses mains, s’en
aspergea le visage et sortit de la bassine.
    — Reste assis, Morgennes, profite de ton bain, c’est
peut-être le dernier.
    C’était Alexis de Beaujeu.
    — Quelles nouvelles t’amènent ? l’interrogea
Morgennes.
    — Frère Emmanuel n’est pas rentré, et le convoi chargé
de nous apporter l’or n’est pas arrivé non plus.
    — Penses-tu qu’ils ont été attaqués ?
    — Malheureusement, je ne le pense pas, répondit
Beaujeu. Je le sais. Un frère sergent de la patrouille vient d’arriver à
l’instant…
    — Qu’a-t-il dit ?
    — Rien. Il est mort. Son cheval l’a mené jusqu’à nous.
    Morgennes pâlit et demanda :
    — Emmanuel ?
    Beaujeu remua tristement la tête, silencieux, tandis que
Morgennes se séchait sans mot dire avec un drap de serge, avant d’enfiler sa
chemise, ses braies et ses chausses.
    — Je veux voir ce mort, est-ce possible ?
    — Oui, si je t’accompagne.
    — Allons-y.
    Comme Morgennes se hâtait vers la porte de l’étuve, Beaujeu
l’arrêta.
    — Un instant, Morgennes. Je t’ai dit que j’avais à te
parler.
    — Qu’y a-t-il ?
    — Tu partiras ce soir à la recherche de la Vraie Croix.
    — Dieu tout-puissant, je t’en serai éternellement
reconnaissant !
    — Officiellement, tu es parti demander à Saladin de te
délier de ton serment d’allégeance à la religion mahométane.
    — C’est entendu, frère commandeur. Mais pourquoi tant
de précautions ?
    — Je crains qu’il n’y ait un traître chez nous…
    — Tu soupçonnes quelqu’un en particulier ?
    — Non.
    — Qui peut avoir intérêt à nous voler l’argent de la
rançon ?
    — Les Templiers, bien sûr. Mais ce ne sont pas les
seuls…
    Beaujeu parlait à voix basse et sur un ton grave. Il tenait
dans sa main le poignet de Morgennes, et le serrait à lui faire mal, mais
Morgennes ne sentait rien.
    — Tu souffres à nouveau de la lèpre, n’est-ce
pas ?
    Morgennes ne répondit rien, et ce silence était plus
éloquent qu’une longue péroraison sur ce qu’il éprouvait – ou justement,
n’éprouvait plus.
    — Lorsque je t’ai vu hier soir, poursuivit Beaujeu, je
me suis dit : « Loués soient le Seigneur et même ces mystérieuses
larmes d’Allah qui ont pris sous leur protection le beau doux sire
Morgennes ! » Mais tu n’es plus des nôtres, et tu n’as plus ton épée.
Quand la maladie a-t-elle recommencé ?
    — Quand j’étais en prison, à Damas.
    — Leurs médecins n’ont rien vu ?
    — Le mal de lèpre n’a ouvert qu’un œil. Il se réveille
à peine. Pourtant, je le sens en moi qui s’agite et s’apprête à renaître. La
règle de l’ordre me laisse quarante jours. C’est assez pour mener ma mission à
son terme. De

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