le collier sacré de Montézuma
seule effigie. En aquarelle, au fusain, à la plume ou à la sanguine, voire en médaille, on retrouvait partout le pauvre Maximilien avec sa mine romantique et sa barbe à deux pointes dissimulant un menton fuyant. Où diantre cette femme avait-elle trouvé tout ça ?
En achevant son tour de chambre, son regard rencontra le sourire amusé de la comtesse Valérie. Sourire vite effacé. Cependant, leur attente arrivait à son terme. Poussant un soupir de satisfaction, Eva reposait assiette et fourchette à gâteau pour finir sa tasse de café. Sans lui laisser le temps de respirer mais après s’être signée mentalement, la vieille dame monta au créneau :
— Avant que l’on ne nous serve ces choses exquises que nous venons de déguster, le prince Morosini faisait allusion à une autre parure d’émeraudes, si importante que des amis américains lui en auraient parlé…
Avec un sourire reconnaissant, Aldo enchaîna :
— Je me suis mal exprimé et vous en demande pardon, comtesse. En fait, il s’agissait d’amis mexicains et…
Instantanément, le visage d’Eva se ferma. Un éclair de colère traversa ses yeux sombres :
— Misérables gens, ces Mexicains ! Peuple fourbe aux mains pleines de sang ! Ils l’ont fusillé, savez-vous ? Ces bandits ont osé assassiner celui qui était venu leur apporter la paix et l’ordre ! Vous avez des amis dans ce bourbier ?
— Non. Aucun, comtesse ! Ceux auxquels je fais allusion sont des réfugiés chassés par Juarez… Ils m’ont parlé de vous avec… une sorte de vénération ! Vous seriez celle qui a réussi à arracher aux assassins de l’empereur leur trésor le plus vénéré : le collier sacré de Montezuma…
Dans le regard devenu fixe, la colère fit place à une lueur de triomphe :
— Les cinq émeraudes !… Oh, oui, je les ai prises là où elles étaient terrées depuis des siècles ! Je les ai prises pour lui… mon prince bien-aimé !… mon doux empereur ! Et je les lui ai données pour lui porter chance… pour qu’il puisse juguler un peuple qui ne savait que lui faire du mal !
Elle se tut et l’on put entendre grincer ses dents. Quelque chose se passait en elle et, redoutant que ce ne soient les prémices d’une crise, Aldo souffla :
— Peut-être devrais-je arrêter ? Je ne voudrais pas réveiller son mal…
— Tant pis ! Il faut en prendre le risque ! chuchota la comtesse. Songez à l’enjeu !… D’ailleurs, j’ai l’impression qu’elle ne nous entend plus…
Eva, en effet, se levait et, croisant les bras sur son châle, se mettait à marcher de long en large comme un animal en cage…
— … mais je me trompais, lança-t-elle d’une voix saccadée. Tout a été de mal en pis ! Les émeraudes ont développé un pouvoir maléfique en entrant dans la maison de Max parce que auprès de lui vivait un démon acharné à sa perte… oui, oui, elle était là, toujours là, toujours plus avide de pouvoir…
— Qui ? hasarda Aldo.
— Elle ! La Belge ! La femme à laquelle il ne touchait jamais… et qui ne lui pardonnait pas de la délaisser… alors qu’il savait m’aimer avec tant de passion. Elle voulait régner à n’importe quel prix… n’importe où… même chez les pires sauvages… Auprès d’elle, il souffrait le martyre… alors il les fuyait, elle et l’enfant qu’elle l’avait obligé à adopter parce que son ventre à elle était stérile…
— C’est elle qui a pris les émeraudes ?
Il y eut un silence. Eva venait d’arrêter sa marche agitée devant le grand portrait sur lequel elle posa des mains tremblantes d’adoration tandis que ses larmes se mettaient à couler. Aldo répéta doucement :
— Elle a pris les émeraudes ?
— Oui… mais sans le savoir ! À la suite de sa décision de s’en aller, d’abandonner mon Max à son peuple barbare pour aller se pavaner en Europe en échappant à la malédiction, j’ai voulu qu’elle paie enfin ses crimes ! Puisque les pierres vertes étaient maudites, il fallait qu’elles partent avec elle… Elle disait qu’elle reviendrait bientôt mais elle a tout emporté, ses robes, ses bijoux et tout ce qui avait de la valeur. J’ai pensé lui attacher les dieux malfaisants pour qu’ils la détruisent… et ils ont réalisé mon vœu ! À peine arrivée, elle est devenue folle !… folle à lier !… à enfermer !… à ligoter ! Ah ! le bonheur que j’ai ressenti en l’apprenant… J’avais
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