le collier sacré de Montézuma
ceinture blanche !
Il n’y avait pas encore foule. Aldo trouva sans peine la silhouette indiquée. C’était sans doute possible le substitut lyonnais qui, après un ou deux mouvements de culture physique, se dirigeait vers l’eau au pas de course, plongeait et se mettait à plumer l’eau d’un crawl efficace.
— Il nage bien, apprécia-t-il, mais à part ça ?
— Il fait l’idiot ainsi qu’on le redoutait. N’ayant pas trouvé de place à l’hôtel, il s’est logé en face, au Carlton, mais il passe dans nos murs le plus de temps qu’il peut, surtout après avoir repéré les dames mexicaines. Il faut avouer que la beauté de Doña Isabel se remarque facilement. Il a même réussi à se présenter…
— Sous quel prétexte, Seigneur ? Il n’a pas eu la bêtise de dire de qui il est le fils ?
— Il est un brin idiot mais pas à ce point-là. Elles étaient seules ici. Il a dû se débrouiller pour leur rendre de menus services et j’ai pu le voir causer avec elles à deux reprises et, si tu veux le résultat de mes observations, je peux t’assurer qu’il est tombé amoureux de sa trop jolie belle-mère !
— Il ne nous manquait plus que ça ! Mais comment le sais-tu ?
— C’était visible comme le nez au milieu de la figure. Hier, ça s’est plutôt mal passé : il les a rejointes au salon de thé où je me trouvais à l’abri d’une plante verte et il a voulu prendre place à leur table. Ce qui n’a pas plu à la grand-mère qui lui a intimé l’ordre de les laisser tranquilles. Elle a le verbe haut quand elle est en colère. Elle lui a déclaré qu’elle et Doña Isabel quitteraient l’hôtel s’il continuait à les importuner. Il ne lui restait plus qu’à prendre la porte avec la mine que tu imagines…
— Et la belle M me Vauxbrun n’a rien dit ?
— Rien. Cela n’avait pas l’air de la concerner. Elle a continué de déguster sa tartelette aux fraises en regardant dans le vide… Je ne sais pas si tu te souviens mais, au soir du mariage civil, tu as dit à M me de Sommières, qui me l’a répété, que cette jeune fille ne semblait pas vivante ? Cela m’avait frappé aussi à l’église. Si elle n’était pas si gracieuse dans ses mouvements, on pourrait même penser à une poupée animée.
— Une éternelle absente ! En tout cas je ne l’ai jamais vue sourire…
— Moi si ! Hier, justement, après l’exécution du jeune Faugier-Lassagne, elle a souri à ce dragon de Doña Luisa et lui a adressé quelques mots. J’avais l’impression qu’elle la remerciait… Je peux te garantir que le sourire est charmant… Pauvre garçon !
L’intéressé sortait de l’eau et se bouchonnait rêveusement, avant de remonter vers la cabine où il avait laissé ses vêtements, apparemment peu désireux de se mêler à ces gens qui commençaient à se précipiter à la plage. L’heure sacrée du bain était arrivée, une partie de la jeunesse dorée séjournant alors à Biarritz accourait après avoir troqué ses vêtements contre des tenues de bain aux couleurs vives. La plage s’anima d’un seul coup, pleine de rires et des petits cris des jeunes femmes qui entraient dans la fraîcheur de l’eau, les bras levés au-dessus de la tête en s’éclaboussant joyeusement. D’autres, plus courageuses, s’y jetaient carrément et se mettaient à nager aussitôt pour se réchauffer, le menton relevé afin d’éviter de « boire la tasse ». Sur le sable, un cercle se formait autour de deux très beaux garçons, magnifiquement bâtis, qui sortaient de l’eau en arrachant leurs bonnets de caoutchouc. Depuis la terrasse on pouvait entendre leur rire sonore.
— Les princes Théodore et Nikita de Russie ! commenta Adalbert. Depuis la révolution d’Octobre, les Romanov se sont mis à coloniser Biarritz. Hier, j’ai vu le grand-duc Alexandre, cousin et beau-frère du tsar dont il a épousé la sœur Xénia, sortir de l’église Saint-Alexandre-Nevski. Il habite une belle villa non loin d’ici, à Bidart, où il écrit un bouquin et s’adonne au spiritisme…
— D’où sors-tu ces connaissances ? émit Aldo, sidéré. Je ne te savais pas si au fait de l’ancienne famille impériale ?
— Figure-toi qu’avant d’avoir l’honneur de te connaître, j’ai vécu un certain nombre d’années… dirais-je… aventureuses. Je suis allé plusieurs fois en Russie avant la guerre.
— Il ne me semble pas qu’on y rencontre
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