le collier sacré de Montézuma
qu’un certain nombre d’aristocrates espagnols, empêchés de se rendre aux bains de San Sébastian par la révolte carliste qui allumait une ceinture de feu sur la côte basque espagnole, avaient passé la frontière pour venir s’installer dans ce qui n’était alors qu’un village de chasseurs de baleines implanté dans un paysage plein de charme. Parmi eux, il y avait M me de Montijo, comtesse de Teba, et sa toute jeune fille Eugenia dont la beauté s’affirmait de jour en jour. Devenue plus tard impératrice des Français par son mariage avec Napoléon III, Eugénie ne devait pas oublier la plage de son adolescence et, l’année qui avait suivi son union, elle y revint en compagnie de son époux aussitôt séduit, qui ordonna sur-le-champ la construction d’un palais qui serait la Villa Eugénie. À partir du 26 juillet 1865, le couple impérial y séjourna chaque été avec une partie de sa Cour, celle qui composait le cercle d’amis. Ils devaient y donner des fêtes magnifiques, notamment en l’honneur des princes espagnols, et la ville se développa autour de ce séduisant pôle d’attraction.
Après la chute de l’empire et surtout la disparition de son fils, l’impératrice vendit la villa à une banque qui en fit un hôtel. D’autres ensuite avaient été construits sur le site, amenant des têtes couronnées, tels l’inévitable reine Victoria, son fils Édouard VII qui aimait trop la France pour ne pas y venir souvent, l’impératrice errante, Élisabeth d’Autriche, le roi des Belges Léopold II puis plus tard le roi Gustave V de Suède, avec ses longues jambes et ses raquettes de tennis, enfin les souverains espagnols, Alphonse XIII et la reine Victoria-Ena. Sans compter les riches Argentins, de presque aussi riches réfugiés mexicains et nombre de notabilités.
Indépendamment du fait qu’elle comptait de la famille et quelques amis dans les environs, M me de Sommières y était venue à plusieurs reprises, avec son époux d’abord, puis plus tard. Elle avait toujours apprécié le décor magnifique et le confort de ce qui était devenu l’hôtel du Palais, reconstruit à l’identique après l’incendie qui en 1903 avait ravagé l’ancienne Villa Eugénie.
Ayant pris possession de ses quartiers, Aldo se mit en quête d’Adalbert. Il le trouva occupe à se faire dorer au soleil sur la terrasse d’où l’on découvrait la mer depuis la pointe Saint-Martin où s’érigeait le phare jusqu’au Rocher de la Vierge, le site le plus célèbre de la ville fréquenté par les amoureux en face des vagues déferlantes, minuscule îlot relié à la pointe par une passerelle métallique due à Gustave Eiffel et dominé par la statue mariale, au pied de laquelle venaient soupirer les joueurs décavés sortis du proche casino Bellevue. Entre l’hôtel du Palais et le rocher, les vagues de l’Atlantique venaient mourir sur la grande plage où le soleil déjà chaud attirait ceux qui n’allaient pas tarder à s’y plonger car la sacro-sainte heure du bain approchait.
La terrasse aussi se remplissait mais Adalbert, les yeux protégés par un panama, n’avait pas l’air de s’en apercevoir et pas davantage de l’arrivée de son ami. C’était tout simple : il dormait, ainsi qu’Aldo put s’en apercevoir en soulevant ledit chapeau. Ce qui le réveilla :
— Qu’est-ce que… ah, c’est toi ?
— En personne… et heureux de constater que tu prends la vie du bon côté ! J’espère que je ne te dérange pas ?
— Si ! Il y avait bal à l’hôtel et je n’ai pas beaucoup dormi.
— Tu as trop dansé ? Et moi qui te croyais attelé à la filature du jeune Faugier-Lassagne ? À moins qu’il ne soit ici et n’ait partagé tes ébats chorégraphiques ?
Adalbert remplaça son chapeau par des lunettes noires, non sans avoir considéré Morosini avec un franc dégoût.
— Ce que tu peux être agaçant quand tu t’y mets ! Et d’abord, assieds-toi ! Tu me fais de l’ombre…
Aldo appela un serveur pour lui commander un café, ôta les jumelles posées sur le siège voisin d’Adalbert et s’installa en soupirant :
— Le voilà qui se prend pour Diogène !
— Plains-toi donc ! Ça te permet de tenir le rôle d’Alexandre le Grand. Tu devrais te sentir flatté.
— Assez tourné autour du pot. Où en es-tu ?
Adalbert prit les jumelles et les lui tendit :
— Regarde toi-même ! À ta gauche, le maillot de bain noir avec une
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