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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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voulait-on les tuer si vite, pour se donner l'illusion qu'on pouvait ainsi faire disparaître la preuve que l'homme était capable d'une telle cruauté, qu'il était aussi le mal, qu'il y avait peut-être en lui une part de Dieu, mais sûrement la part du Diable!
    Savez-vous, Balasso, avait repris Cocci, que Joan Finchett accuse Morandi d'avoir assassiné une jeune Française - Cocci avait ouvert le dossier, gardé longuement la tête baissée, écoutant la respiration de son interlocuteur, soudain plus courte, haletante, qu'il essayait en vain de contrôler -, Ariane Duguet, dit-elle, dont on a retrouvé dans le lac, il y a quelques mois, le corps, vers Dongo. Balasso se souvenait-il? Le supplément illustré d'Il Futuro avait publié la photo de la jeune femme en couverture. Le journal avait même consacré un article, pas très long, mais précis, aux circonstances de la découverte du corps, sans faire mention, bien sûr, d'une photo, publiée auparavant, des défilés de mode auxquels la jeune femme avait participé pour la Morandi Company.
    Pouvait-il fournir des précisions?
    - Mais je ne sais rien! s'était exclamé Balasso.
    Cocci avait ôté ses lunettes comme pour ne pas voir ce visage d'homme qui grimaçait, ce corps qui, tout en demeurant immobile, les mains agrippées aux accoudoirs du fauteuil, donnait l'impression de se débattre, cherchant à fuir, à arracher les liens dont il devinait qu'on l'entravait peu à peu.
    Tout en gardant les yeux clos, le bout des doigt pressant ses paupières, Cocci avait dit d'une voix égale que Balasso, comme rédacteur en chef, avait sûrement dû décider de la couverture du magazine et avait donc incontestablement vu cette photo, choisi Ariane Duguet, ce dimanche-là. Non?
    Tâtonnant, faisant glisser ses doigts sur les papiers, Cocci avait saisi le magazine qui se trouvait dans le dossier, l'avait tendu à Balasso qui ne s'en était pas emparé, répétant qu'il ne savait rien, qu'il n'était pas responsable des éditions dominicales, seulement du quotidien. Cocci avait remis ses lunettes, montrant de loin la couverture du magazine à Balasso.
    Belle, n'est-ce pas? Comment l'oublier? Certains témoins prétendent l'avoir vue à la Villa Bardi. Mais tant de jeunes femmes y ont séjourné, les souvenirs ne sont pas sûrs, jamais : une jeune femme en vaut une autre, n'est-ce pas?
    Balasso avait approuvé, s'était détendu, écartant les mains en signe d'impuissance et de bonne volonté. Peut-être avait-il imaginé qu'entre Cocci et lui pouvait se rétablir une complicité ancienne, ou bien celle de deux hommes qui savent ce que sont les jeunes femmes d'aujourd'hui? Et il avait précisé qu'en effet, elles s'étaient toutes précipitées à la Villa Bardi comme des mouches sur le sucre. Mais elles savaient bien que lui, Balasso, ne détenait pas le pouvoir. Les femmes, c'était l'affaire de Leiburg, de Morandi. Le juge comprenait-il?
    Tout à coup, Cocci avait frappé du poing sur le bureau et c'était si inattendu que Balasso avait regardé autour de lui comme pour chercher qui avait provoqué ce geste. Mais c'était à lui que Cocci demandait d'une voix cassante s'il voulait, oui ou non, collaborer avec la justice. Il s'agissait d'un meurtre. Un assassinat, Balasso, un assassinat!
    Balasso avait baissé la tête. Il ne refusait rien, rien. Il le jurait!
    « Pauvres hommes », avait pensé Cocci.

    43.
    APRÈS, Giorgio Balasso avait parlé.
    Tout le temps qu'avait duré sa confession, il s'était tenu penché en avant, jambes écartées, les avant-bras posés sur ses cuisses, ses cheveux noirs tombant devant son visage; il n'avait pas cherché à les repousser, si bien que Cocci, assis en face de lui, ne voyait plus que sa nuque ployée, sans jamais apercevoir les yeux.
    Cocci avait posé quelques questions, mais il avait surtout laissé Balasso parler, s'interrompre, reprendre : « C'est tout ce que je sais, vraiment tout, que voulez-vous que je dise de plus, je ne sais rien d'autre, je ne pouvais rien empêcher, moi, j'étais le rédacteur en chef, pas le banquier, je faisais mon métier, mais que voulez-vous que j'ajoute, qu'est-ce que tu veux, Cocci, dis-le-moi, si je peux, je t'aiderai, tu me connais... »
    Il suffisait à Cocci de se taire, bras croisés, essayant de ne pas se laisser prendre par un sentiment de pitié et de honte. Cet homme qui s'humiliait, l'humiliait aussi.
    Cocci n'avait pas à attendre longtemps. Balasso ne supportait pas le silence.

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