Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
avait décidé qu'il se rendrait à Dongo, qu'il verrait le lac, l'homme qui avait retrouvé le corps d'Ariane Duguet.

    44.
    L'HOMME avait écarté les branches des massifs de lauriers-roses et, tendant le bras, avait montré à Cocci un monticule de terre, à quelques mètres à peine de la berge. Cocci s'était avancé, l'homme restant derrière lui, la cigarette cachée dans la paume de sa main gauche, les doigts repliés, et quand le juge, parvenu au pied du monticule, s'était retourné, il avait été frappé par l'expression de l'homme : sa peau ridée, tannée, striée de ridules, était tendue par une grimace; avec son menton en avant, sa bouche à demi ouverte, on aurait dit un chien s'apprêtant à mordre ou à hurler. Son visage montrait tant de haine en même temps que de mépris que Cocci pensa un instant que l'autre allait bondir sur lui, le tuer, le précipiter dans le lac.
    Puis, Cocci continuant à le regarder, l'homme avait baissé la tête et quand il l'avait relevée, il était à nouveau ce vieil homme indifférent que le juge avait rencontré dans le hangar de Dongo où il habitait entre des coques d'embarcations, dans une sorte de réduit qu'il s'était aménagé avec des rames, des mâts, des voiles à la toile rapiécée, brûlée par le soleil.
    C'est à peine s'il avait répondu aux questions de Cocci. Oui, il s'appelait Angelo Trovato, ça oui, il pouvait le dire, parce qu'on l'avait trouvé, enfant, au bord d'un chemin, au-dessus de Dongo. Et il n'en savait pas plus sur sa famille. Rien d'autre.
    Cocci s'était assis sur une caisse, face à ce lit de camp sur lequel l'homme se tenait, les bras croisés, le menton sur la poitrine.
    Je suis seul, avait déclaré Cocci. Ce n'est pas vraiment, pas encore une enquête. Vous n'êtes qu'un témoin. Vous me parlez d'homme à homme. Cette jeune femme que vous avez sortie de l'eau, vous vous en souvenez?
    L'homme avait regardé Cocci avec des yeux inexpressifs. Il n'avait pas paru étonné, mais n'avait rien dit. Et Cocci avait dû poursuivre.
    Est-ce que le matin, avec sa drague, l'homme avait drainé au hasard ou bien - comprenait-il le sens de la question ? - avait-il su que c'était là qu'il fallait chercher? Parce que, qui sait, dans la nuit, peut-être avait-il vu... On racontait à Dongo que l'homme se promenait souvent la nuit, même les jours d'averse, le long des berges, marchant seul. Cette nuit-là, peut-être l'homme avait-il aperçu une voiture, peut-être n'avait-il pas voulu confier ce détail aux carabiniers? Mais lui, Cocci, était juge d'instruction à Parme...
    Le visage de l'homme ayant tressailli, il avait répété son nom : Roberto Cocci, juge d'instruction.
    - Vous vous occupez de Morandi, avait lâché Trovato.
    Pour Cocci, ç'avait été comme un éclat de lumière dans la nuit. Il avait parlé plus vite en se penchant vers l'homme.
    Il avait inculpé Carlo Morandi de corruption, avait-il expliqué. On allait peut-être l'arrêter. Vous entendez, le mettre en prison. Morandi, vous savez qui c'est? Vous voyez, les choses changent. A la fin, la vérité, c'est comme le soleil, ça apparaît, ça perce les nuages, ça éclaire tout. Qu'est-ce que vous en pensez?
    Mais l'homme avait repris son expression indifférente. Il avait allumé une cigarette et, au bout d'un long silence, il avait dit d'un air de défi, comme pour montrer à Cocci qu'il ne s'intéressait pas à cette affaire, à cette jeune femme : « Moi, quand ils m'ont trouvé, j'avais un oiseau mort serré dans mon poing, comme ça. »
    Il avait montré sa main gauche qui tenait la cigarette cachée à l'abri de ses doigts repliés, et Cocci avait eu le sentiment que cet homme était retors, déterminé, qu'il n'avait rien de ce pauvre bougre que le lieutenant des carabiniers lui avait décrit.
    Homme de tous les métiers, il avait acquis peu à peu, avec sa drague, une sorte d'indépendance. On le louait, lui et l'engin. Parfois, il allait effectuer des drainages sur l'autre rive. On l'avait vu sur les chantiers de fouilles de Morandi, là où on avait exhumé, à quelques mètres de la berge, des vestiges romains, des statues. Mais, le plus souvent, il était employé par la municipalité de Dongo pour déblayer les pentes après la pluie, remettre les berges en état.
    C'est comme cela qu'un matin, il avait sorti de l'eau cette pauvre Française. Le père était venu. On l'avait enterrée à Dongo; il avait décidé ça, le père. Morte ici, on ne savait

Weitere Kostenlose Bücher