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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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décharné qui régurgitent par courtes saccades. Il avait du mal à arracher les mots de sa gorge et paraissait vouloir les pousser hors de lui, vers ses lèvres, en se secouant ainsi dans un geste instinctif qui, chaque fois, surprenait Joan Finchett.
    Elle était assise en face de lui dans ce café de la rue de Sèvres proche du commissariat de police, peu après la rue Vaneau, à quelques centaines de mètres de l'immeuble où habitait Jean-Luc Duguet. On avait interpellé Makoub à la demande de la concierge de l'immeuble alors qu'il gesticulait, demandant à voir son amie Ariane Duguet, celle qui habitait là-haut, qui l'avait accueilli, quelques années auparavant, dont il se souvenait comme d'une fille de roi, marquée par un signe que lui-même avait discerné dès qu'il l'avait croisée, et qui lui avait lu un livre comme on le fait à l'église. Et il avait pris un bain, il avait couché dans un lit; au matin, elle lui avait préparé du lait chaud et un jus d'orange. Puis le père était venu et les avait chassés, elle et lui; les pères peuvent ainsi être pris de folie. Ils avaient dormi sous un banc et il lui avait donné son blouson de cuir; elle ne portait alors qu'un blouson de toile et lui, Makoub, protégeait ceux qui se montraient généreux avec lui. Ce blouson de cuir, un blouson Air Force, il l'aimait bien, pourtant. Peut-être l'avait-elle encore? Un blouson de cuir, ça dure toute une vie.
    Joan l'écoutait et essayait de se le représenter, à l'époque, quand Ariane s'était effacée pour le laisser pénétrer dans l'appartement avec Sami, puis, après le départ de ce dernier, quand il avait voulu l'enlacer et qu'elle l'avait repoussé, les mains plaquées sur sa poitrine, secouant la tête, disant qu'il n'était pas là pour ça, mais parce qu'elle voulait l'aider, partager avec lui ce qu'elle avait. Il était son ami dans la mesure où il ne possédait rien. Il avait ri et avait dû répondre, comme il venait de se le remémorer devant Joan : « Impasse de la Confiance... J'habitais impasse de la Confiance... J'habitais impasse de la Confiance, dans le XX e ! Mais la confiance, c'est rue de Sèvres, ici, chez toi ! »
    Oui. Il se souvenait d'elle.
    S'il avait voulu la revoir, au bout de tant d'années, c'est parce qu'il n'avait plus rien, pas même le blouson de toile qu'elle lui avait remis en échange du sien, ce blouson de cuir fauve mais sans col de fourrure, un vrai blouson Air Force. Et il était sûr que si elle s'était trouvée aujourd'hui dans l'appartement, si cette concierge n'avait pas aboyé comme la chienne qu'elle était, elle lui aurait ouvert. Il avait même pensé un moment que le père était peut-être mort ou parti, qu'elle habitait seule : il aurait pu alors s'installer là pour quelque temps.
    Quand Ariane l'avait accueilli, il ne devait pas encore avoir ces yeux striés de fines lignes rouges qui, par moments, quand il regardait Joan, incitaient celle-ci à baisser la tête pour ne pas affronter les pupilles injectées de sang. Peut-être aussi était-il alors moins maigre, ses joues pleines, ou moins creusées, faisant ressortir les pommettes sous la peau tendue. Il toussait; à chaque quinte, il rentrait la poitrine, enfonçant son cou, rapprochant ses épaules comme pour contenir une douleur ou rassembler son souffle.
    - Pourquoi êtes-vous venue? avait-il tout à coup demandé. Qui vous êtes pour me sortir comme ça des pattes des flics?
    Elle avait murmuré : « Une amie d'Ariane. »
    C'était Arnaud qui l'avait appelée. Elle était la seule à pouvoir s'occuper de ça. Qu'elle n'en dise rien à Jean-Luc, il ne supporterait pas. Pas en ce moment. Au journal, ils avaient reçu une demande de renseignements du commissariat de la rue de Sèvres. Un Africain prétendait connaître Ariane Duguet, il avait fait du scandale dans l'immeuble. La concierge les avait prévenus, l'appartement de M. Duguet figurait sur la liste des lieux du quartier à surveiller. Qu'est-ce qu'ils faisaient de l'Africain? Il était en règle. M. Duguet voulait-il le voir? Il fallait que Joan se rendît sur place, avait dit Arnaud.
    Joan avait eu l'impression de se remémorer une scène à laquelle elle aurait assisté : Jean-Luc faisant irruption dans la chambre d'Ariane en hurlant « Je m'en fous, je m'en fous! Dehors, tout de suite! » Il l'avait tant de fois racontée pour se reprocher sa propre violence... Et maintenant, le Noir était là devant elle.
    - Une amie d'Ariane,

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