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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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du côté gauche - à un moment donné, il avait tendu le bras et l'avait posé sur le ventre de Joan; elle n'avait pas bougé, heureuse et rassurée par le poids de ce bras inerte qu'elle n'osait soulever, puis elle s'était assoupie.
    Quand elle s'était réveillée, elle était serrée contre le dos de Mario. Ils avaient dormi ainsi. Elle avait songé à ce couple de vieux chats qu'elle avait eus, enfant, dans sa maison de Beware, qu'elle voyait couchés, lovés, le corps de l'un se distinguant à peine de celui de l'autre, et elle les recouvrait souvent d'un morceau de taffetas.
    - On est comme des animaux, avait-elle murmuré dans le cou de Mario qui commençait à s'étirer, puis elle avait ajouté : Joachim de Flore..., et encore : C'est comme à l'origine du monde...
    A ce moment-là elle avait ri malgré elle, si fort, d'un rire irrépressible, se moquant de ce qu'elle avait pensé de manière si grotesque, si emphatique. Et Mario s'était levé.
    C'est alors qu'elle avait éprouvé cet autre sentiment qui l'habitait à présent, immobilisée dans le hall : une peur panique succédant à l'enthousiasme et à la vibration joyeuse de son corps, une impression de manque, d'angoisse, comme si ce qu'elle avait vécu cette nuit-là avec Mario n'avait été qu'un mirage qui ne se reconstituerait plus. Peut-être même Mario n'existait-il pas et l'avait-elle seulement imaginé. Elle voulait déjà lui téléphoner, s'assurer qu'il y avait quelque part sa voix, son corps, qu'elle pourrait donc les retrouver, le jour levé. Je l'aime, avait-elle alors pensé.
    Et elle était sidérée d'oser l'admettre. Elle se sentait tout à coup frappée de stupeur et il lui semblait qu'elle assistait à un spectacle extraordinaire. Tout se passait en elle. Elle ne voyait rien. Mais elle éprouvait. Elle était irradiée, transformée. Elle aimait. Elle se disait qu'elle était folle de le penser : ignorait-elle que la vie n'est qu'attente et regret de l'amour? Elle était déjà désespérée à l'idée que cet amour pouvait se dérober.
    Elle avait alors entendu prononcer son nom, et peut-être tout ce qu'elle venait d'éprouver n'avait-il duré que le temps, pour l'hôtesse, de répéter : « Joan, Joan, on vous attend ! » Elle s'était retournée et avait vu, assis côte à côte dans les fauteuils du hall, Orlando et Franz Leiburg.

    41.
    PLUS tard, Joan essaya de retrouver les mots que Leiburg lui avait dits, mais, sitôt qu'elle croyait se souvenir d'une phrase et s'apprêtait à la noter, l'émotion était si forte qu'elle s'affolait. Son écriture devenait illisible, elle fermait les yeux. Elle pensait alors à Mario Grassi sans parvenir à chasser la vision de Leiburg qui, dans l'ascenseur, à peine avaient-ils quitté le hall, s'était approché d'elle.
    Leiburg lui avait murmuré qu'elle avait eu tort d'attaquer Morandi à découvert. Il l'avait pourtant avertie, qu'elle se souvienne. Qu'espérait-elle? Morandi avait des alliés. Elle était si faible, si seule. Qui la protégerait? Qui la défendrait si Morandi s'en prenait à elle?
    Ou bien Leiburg n'avait-il fait que suggérer cela d'un regard, et s'était-il contenté de tendre la main vers la poitrine de Joan, sans toucher ses seins? Elle avait reconnu ces doigts longs, osseux, cette peau si blanche qu'elle en paraissait diaphane. Peut-être ne cherchait-il qu'à lui rappeler ce geste qu'il avait eu devant la fenêtre de l'Hôtel Crillon, après cette nuit qu'ils avaient passée ensemble?
    La lumière dans l'ascenseur avait la même teinte jaune que celles qui, de point en point, crevaient la nuit sur la place.
    Dans le bureau, en s'asseyant face à Joan, Leiburg avait semblé se réduire, comme si son long cou s'enfonçait, sa haute taille se tassant, elle n'en avait plus vu que le visage et la bouche, cette fente qui s'écartait à peine chaque fois qu'il parlait.
    Elle l'avait haï avant même qu'il ne la menaçât. Il la contraignait à penser de nouveau à Morandi, à la Villa Bardi, à tous ceux qu'elle avait nommés dans son article et qui lui paraissaient si distants, déjà, son enquête étant devenue dérisoire à présent qu'elle aimait. C'était comme si, tout à coup, ce qui l'avait passionnée, émue, révoltée - Ariane elle-même, Jean-Luc -, s'était éloigné si vite qu'il ne s'agissait plus pour elle que d'un point perdu dans un univers qu'elle avait quitté mais que Leiburg la forçait à réintégrer.
    — Il attend de vous que vous

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