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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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aucune enquête. Vous serait-il arrivé, par extraordinaire, de vous engager dans quelque affaire avec cette indépendance d'allure que j'ai eu l'occasion de déplorer lors de notre première rencontre ?
    — Nullement, monseigneur, répondit Nicolas, j'ai obéi en tout point et avec scrupule à vos ordres. Je n'ai rien fait, j'ai pris mes aises et j'ai chassé. Avec Sa Majesté.
    Le ton était si ironique que Le Noir soupira d'agacement.
    — Allez et rendez-moi compte exactement de tout ce qui pourrait intéresser le service du roi.
    — Je n'y manquerai pas, dit Nicolas. J'emprunte le fiacre qui m'a conduit ici pour me rendre chez le ministre.
    Sur cette dernière pointe, Nicolas salua, descendit quatre à quatre le grand escalier sous le regard éberlué des deux exempts, et sauta dans la voiture. « Les affaires reprennent », songea-t-il. Son intuition lui disait que le duc de la Vrillière avait besoin de lui.
    1 Cf. L'Affaire Le Floch .
    2 L'auteur souhaite remercier pour ces précisions sur La Borde le professeur Daniel Teyssère, de l'Université de Caen.
    3 Tabard  : sorte de tunique que l'on portait au Moyen Âge par-dessus l'armure.
    4 M. Balbastre  : Cf. Le Fantôme de la rue Royale .
    5 Saint-Greluchon était prié dans les cas d'infécondité.
    6 Grinchottage  : chanter faux.
    7 Guilleri  : chant du moineau.
    8 Fayances  : défaut.
    9 Avelines  : grosses noisettes.
    10 Boileau, Art Poétique , chant III.
    11 Grand-Cour des Quinze-Vingts  : l'hospice avait été fondé par saint Louis en faveur d'une confrérie de croisés aveuglés par les Sarrasins. Il s'étendait de la place actuelle du Théâtre-Français jusqu'au tiers de la cour du Carrousel. Il fut transféré en 1779 rue de Charenton.
    12 Ais  : planches de bois.

II
    L'hôtel Saint-Florentin
    Ce n'était ni le tumulte ni non plus le calme, mais un silence comme celui d'une grande peur et d'une grande colère.
    Tacite

    Comme le cavalier se rassemble face à l'obstacle, Nicolas entendit se réserver un moment de rémission avant que l'action ne s'empare de lui. Il estimait nécessaire cette pause afin de renforcer sa sérénité. Il se fit déposer place Louis XV et, soucieux de contempler dans son ensemble l'hôtel Saint-Florentin où le destin lui donnait peut-être rendez-vous, il s'assit sur une borne. On l'attendrait bien quelques minutes après l'avoir fait lanterner pendant trois mois. Il admira l'appareil classique du bâtiment prolongeant la splendeur du Garde-Meuble. En un instant, le passé défila avec les images de cette nuit funeste de 1770, les cris, la fumée, les corps écrasés et la statue du roi qui dominait le désastre d'un feu d'artifice raté 13 . La façade donnait sur une petite place fermée par une fontaine ouvrant un passage vers les jardins des Tuileries. Elle déployait deux grands étages nobles surmontés de combles et d'un balustre qui en couronnait le faîte orné de panoplies sculptées et de deux urnes monumentales. Dans la rue Saint-Florentin s'élevait un porche glorieux décoré d'un blason de pierre tenu par deux déités. Ce dernier alliait en écartelé l'azur semé de quintefeuilles d'or et d'hermines des Phélypeaux aux trois maillets de gueules des Mailly.
    Nicolas connaissait M. de Saint-Florentin, l'actuel duc de la Vrillière, depuis son entrée dans la police. Il médita sur cette sidérante carrière commencée cinquante ans plus tôt dans les conseils du roi et qui s'était bâtie sur une fidélité adamantine à la personne de Louis XV. L'homme n'était guère populaire, pas plus à la cour qu'à la ville. On jalousait son influence tout en dénonçant sa mollesse et sa timidité. Il demeurait aussi l'homme de l'arbitraire et des lettres de cachet. Madame Victoire le disait bête, d'aucuns soulignaient au contraire son esprit conciliant, fécond en ressources pour apaiser les dissensions sans pour autant compromettre l'autorité du trône. En de multiples occasions, il avait manifesté sa confiance en Nicolas, mais une récente affaire dans laquelle était impliqué le duc d'Aiguillon, son cousin, avait paru consommer la défaveur du commissaire dans son esprit.
    Nicolas reporta son regard sur la demeure dont la grandeur et la noblesse offraient l'image d'un petit palais et ne donnaient pas une piètre idée de la fortune de celui qui l'avait édifié. Des ragots lui revenaient en mémoire concernant la moralité douteuse du ministre. Il vivait à Paris crapuleusement

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