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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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usage
    Tout prend un corps, une âme, un esprit, un visage 10 .
    Leur lecture puisse-t-elle vous persuader que ce qui est élégant en latin ne l'est pas forcément en français, que chaque langue a un ton, un ordre et un génie qui lui sont particuliers. Lorsque vous aurez à traduire, souvenez-vous d'être simple, clair et correct, afin de rendre exactement la pensée d'un auteur, sans rien omettre de la délicatesse et de l'élégance de son style. Tout se tient, en effet. Comme dans la vie, à trop s'attacher à la lettre des principes on devient dur et sans cœur, dans la traduction, le ton se révèle sec et aride quand il advient qu'on impose ses idées à la place de celles de l'auteur.
    — Monsieur, intervint Louis tout à fait réveillé, je ne sais que dire et ne voudrais surtout pas vous priver d'un trésor auquel je vous sais si attaché. Mon père m'a parlé de votre particulière dilection pour les livres de votre bibliothèque.
    — Point du tout, c'est une joie pour moi de vous les offrir ! Rassurez-vous, je conserve précieusement la grande édition in folio de M. Burman, publiée par Westeins et Smith en 1732, avec des figures en taille douce d'une splendeur…
    — Grand merci, monsieur. Ces livres me seront chers venant de vous, dit Louis en ouvrant l'un des volumes qu'il feuilleta avec attention et respect sous l'œil approbateur du vieux magistrat. Monsieur, quelles sont ces petites notations manuscrites ?
    Il tendit un morceau de papier vert amande couvert d'une petite écriture serrée.
    — Tout simplement les traductions faites par votre serviteur des citations latines de la préface. Vous pourrez en vérifier l'exactitude.
    — Louis, dit Nicolas, c'est un viatique que vous confie notre ami. Suivez ses conseils. Moi-même, je m'en suis toujours bien trouvé. Il fut aussi mon maître à mon arrivée à Paris, je n'avais alors que quelques années de plus que vous.
    Chacun se leva de table et les adieux prirent encore un long moment. Louis serait reconduit par Semacgus qui rentrait à Vaugirard ; il déposerait le collégien rue du Bac, chez sa mère. Nicolas fit ses dernières recommandations à son fils. Il entendait en particulier que celui-ci lui écrivît une lettre, même courte, chaque semaine. Il ouvrit les bras et Louis s'y jeta. Nicolas, ému, ressentait la curieuse impression de revivre un passé lointain, comme si le marquis de Ranreuil resurgissait dans la personne de son petit-fils.
    Les invités dispersés, il rejoignit ses quartiers, gagné d'une mélancolie paisible. La vie apprêtait ses tours dans un grand chamaillis de hasard et, souvent, le sort assenait des coups répétés. Mais, cette fois-ci, c'était différent : sa disgrâce qui se prolongeait ne pesait rien face à un destin ambigu. Celui-ci lui offrait des compensations qui équilibraient la balance. La découverte de Louis constituait la principale de ces grâces inattendues, et il pouvait en remercier la providence.

    Lundi 3 octobre 1774
    La première pensée de Nicolas, après que Mouchette, à son habitude, l'eut réveillé en lui soufflant dans l'oreille, fut pour son fils qui débutait ce matin-là une vie nouvelle. Il s'était expliqué avec lui de son absence au départ des messageries. Il redoutait une émotion qu'accentuerait encore celle d'Antoinette. Il ne parvenait pas à envisager La Satin sous ce prénom auquel étaient pourtant attachés les premiers souvenirs de leur liaison. Mais soucieuse de faire oublier le passé et d'offrir à son fils une mère digne du destin inattendu qui s'ouvrait à lui, elle s'était décidément acheté une conduite.
    Quand il sortit rue Montmartre, un brouillard d'automne noyait dans une vapeur diffuse les passants et les équipages. Par où commencerait-il les courses envisagées ? Il devait acquérir de l'essence pour les taches d'habit. Il ne savait que trop l'impossibilité, pour un collégien pensionnaire, de décrotter des habits, seul le linge de corps étant blanchi par l'établissement. Cette essence destinée à ôter les taches sur toutes les étoffes, si délicates soient-elles, n'altérait en rien leur couleur ou leur lustre. De surcroît, elle possédait l'appréciable qualité de détruire les punaises et leurs œufs, les papillons et insectes dévoreurs de laine. C'est à Versailles, rue de Conti, qu'il avait découvert l'inventeur de cette précieuse composition. Le succès de la formule avait engagé le négociant à établir un

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