Le Dernier Maquisard

tête ! il m’a dit en m’accueillant dans la
cuisine.
    J’ai fait la grimace.
    Il en a rajouté, ironique.
    – C’est ton rendez-vous matinal avec la
petite
Élise
qui te met dans cet état ?
    – Non, j’ai répondu sèchement.
    – Ne t’inquiète pas, m’a-t-il dit en rajustant mon pull aux
épaules dans un geste étrangement paternel.
    – Pourquoi voudrais-tu que je m’inquiète ?
    Il m’a tapoté l’épaule.
    – File, tu vas être en retard !
    – Mais je suis déjà en retard ! je me suis énervé.
    J’en eus honte car il n’y était pour rien.
    – Excuse-moi, Georges.
    Je m’en voulais de me montrer si désagréable avec lui. Mais je
n’avais pas le courage de lui annoncer que je serais de retour vers
dix heures et que j’avais l’intention de reprendre aussitôt la
route.
     
     
     
     
    21
     
     
     
     
     
     
     
    Je suis effectivement arrivé en retard d’une demi-heure chez
Élise. Mais elle ne m’attendait pas pour autant sur le pas de sa
porte et c’était mieux comme ça. Nous étions des adultes et les
choses seraient plus faciles.
    Je suis resté un moment assis dans ma voiture avant de me
décider à descendre.
    Quand je me suis dirigé vers la porte d’entrée, j’avais
l’impression d’avoir des semelles de plomb. Je suis resté planter
devant sans oser frapper et avec une folle envie de faire
demi-tour.
    Mais il était trop tard. La porte s’est ouverte sur Élise vêtue
d’une de ces robes à fleurs des années quarante qui reviennent
périodiquement à la mode.
    J’ai dû avoir l’air surpris, car elle a cru bon de
dire :
    – J’ai entendu ta voiture.
    Elle avait les traits tirés malgré son maquillage et semblait
avoir elle aussi passé une mauvaise nuit.
    Ça m’a fait un petit pincement au cœur.
    Je la soupçonnai de m’avoir guetté derrière ses rideaux.
    – Entre. J’ai faim.
    Elle a esquissé un léger sourire. J’ai compris qu’elle était
aussi mal à l’aise que moi.
    Son comportement, tout autant que le mien, était bien différent
de celui de la veille. Nous ne savions quoi nous dire et nous
étions empruntés.
    – J’ai cru que tu ne viendrais pas.
    À la limite de l’amertume.
    – Excuse-moi si j’ai été un peu sèche hier avec toi au
téléphone, elle a aussitôt enchaîné. Mais j’étais déçue que tu ne
puisses venir dîner et j’avais peur…
    – Moi aussi, je l’ai coupée sans réfléchir.
    Elle m’a fixé avec une intensité que je n’ai jamais vue dans
aucun autre regard. Avant de se jeter en larmes dans mes bras.
    – Gilles ! Gilles !
    Son appel était aussi désespéré que dans le rêve. Mais il était
réel.
    – Ne t’inquiète pas, lui ai-je dit en la serrant bien fort et en
lui caressant les cheveux pour l’apaiser, je suis là.
    – Gilles, mon Gilles…
    – Et je serai toujours là.
     
     
    Nous sommes restés blottis une éternité l’un contre l’autre sans
rien dire car nous pleurions tous les deux. Tremblants de
bonheur.
     
     
     
     
     
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    À présent, je ne fais plus jamais aucun cauchemar. Les souvenirs
du passé sont à leur place et je me sens comme
« allégé ».
    Depuis que j’ai compris – et accepté – qu’Élise était la femme
de ma vie, je suis un homme heureux, en paix avec lui-même.
    Je crois qu’il en est de même pour Élise.
    Nous sommes profondément amoureux l’un de l’autre. Élise
supporte mes travers et  j’ai appris à composer avec son
caractère entier.
    Mon fils a été surpris que j’envisage de me remarier. Je dirais
même que ça semble le contrarier, mais il n’osera jamais me
l’avouer.
    J’ai toujours eu du mal à comprendre mon fils. Peut-être parce
qu’il ressemble trop à sa mère ou parce que je n’ai pas su faire en
sorte que s’établisse une réelle complicité entre nous.
    Avec mon petit-fils, c’est différent. Je me retrouve en lui et
nous sommes très proches. De toute façon, c’est plus facile d’être
grand-père.
    En tout cas, lui, il est très content que je vive avec Élise. Je
l’ai choisi pour être mon témoin.
    Élise aussi l’apprécie beaucoup. Ainsi que sa petite famille.
Clara, sa femme avec laquelle elle s’entend à merveille et mes deux
arrière-petits-fils qu’elle adore – Régis et Alix, qui ont
respectivement trois ans et dix-huit mois.
    Ils sont un peu les enfants qu’elle n’a pas eus.
    De fait, elle les supporte mieux que moi.
    Je dois reconnaître que je les