Le Dernier Maquisard
Alain
Pecunia
Le Dernier
Maquisard
ROMAN
À « Charlie » et à ses
camarades,
les héros de mon
enfance.
AVERTISSEMENT
Ce récit est une œuvre de fiction.
Toute ressemblance avec des personnes vivante ou ayant existé ou
des faits réels serait donc purement fortuite.
© Cheminements, 2006.
© Alain Pecunia, 2011.
Tous droits réservés pour tous
pays.
1
Gilles se réveilla en sursaut, tiré de son cauchemar par une
horrible sensation de brusque asphyxie.
Haletant, il rejeta les draps et se redressa sur ses coudes.
Puis il s’efforça d’aspirer lentement de profondes goulées
d’air.
Quand il fut parvenu à maîtriser sa respiration et son rythme
cardiaque, il se laissa retomber sur le lit en soupirant, bras
écartés. Fixant le plafond dans l’obscurité de la pièce.
Soixante ans après les faits, il en était toujours à se demander
ce que faisait ce Feldwebel, seul et sur ce chemin vicinal à
l’écart de la départementale.
Il l’avait aperçu juste après le bouquet d’arbres bordant le
champ, comme surgi de nulle part. Levant la main droite pour lui
ordonner de stopper.
L’Allemand portait sa mitraillette en bandoulière. Pointée vers
lui de sa main gauche.
Gilles continua de pédaler tout en balayant d’un rapide regard
le paysage alentour.
Il freina lentement à cinq mètres du Feldwebel et posa le pied
gauche au sol sans descendre de son vélo.
L’Allemand baissa son bras et se dirigea vers Gilles d’un pas
lourd, quasi débonnaire.
L’homme avait une cinquantaine d’années, le ventre rebondi sous
l’uniforme et un visage rubicond. Transpirant sous son casque, bien
qu’on fût en hiver.
Gilles fit mine de prendre ses papiers dans la poche revolver de
son pantalon. Lentement. Très lentement. Esquissant un léger
sourire. Puis il empoigna soudainement la crosse de son pistolet
passé dans sa ceinture à hauteur des reins.
L’Allemand eut une légère expression de surprise quand il vit
apparaître l’arme pointée sur lui. Esquissant un mouvement de
recul. Mais Gilles avait déjà fait feu.
L’Allemand porta sa main droite à son ventre tout en fixant
Gilles intensément, qui lut dans son regard comme une sorte
d’incompréhension. Un « pourquoi ? » muet.
Le Feldwebel recula de quelques pas tout en continuant de fixer
Gilles.
Celui-ci tira une nouvelle fois. Rageusement.
L’homme se plia en deux sous l’impact et continua de reculer en
titubant. D’une démarche de crabe et sans songer à utiliser sa
mitraillette.
Gilles savait qu’il devait l’achever et disparaître au plus
vite. Mais tirer sur un homme à distance, sans voir son visage,
était une chose. L’abattre à bout portant, les yeux dans les yeux,
en était une autre. Même un Boche.
Gilles descendit de vélo et suivit l’Allemand le pistolet au
poing, sans se résoudre à faire feu.
Une trentaine de mètres plus loin, le Feldwebel buta contre le
tronc d’un pommier et se laissa glisser au pied de l’arbre. Les
deux mains plaquées sur son ventre.
Ainsi affalé, les yeux mi-clos, la respiration lente, on eût pu
croire à un homme assoupi pour une sieste après un déjeuner
champêtre. Sauf qu’il portait un uniforme vert-de-gris, qu’une
mitraillette était posée en travers de ses cuisses et qu’il était
mortellement atteint.
Gilles s’était arrêté à cinq mètres de l’Allemand. À la fois
fasciné et terrifié. C’était la première fois qu’il assistait à
l’agonie d’un homme et elle était semblable à celle de n’importe
quel animal.
Quand l’Allemand rouvrit les yeux, Gilles recula instinctivement
d’un pas tout en pointant son pistolet sur lui. Mais il ne put
appuyer sur la détente. Il était comme tétanisé, ne pouvant se
résigner à tirer sur un homme à terre.
De toute façon, il se vidait de son sang et allait mourir. Ce
n’était qu’une question de temps.
Le regard trouble de l’homme fixait celui de Gilles.
Gilles se sentit soudainement mal à l’aise et allait détourner
son regard quand il en comprit la cause.
Le regard de l’homme n’exprimait aucune crainte et était
profondément humain. Terriblement humain.
C’était celui d’un homme parmi d’autres qui allait mourir et le
savait. Un
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