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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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l’herbe mouillée, leurs frocs souillés de sang. Le massacre
terminé, Ragnar avait fait tirer Weland de sa couche. L’homme était
manifestement mourant, car il frissonnait et sa blessure empestait, mais il
avait conscience de ce qui lui arrivait. Il avait été récompensé de m’avoir tué
par un sac de pièces d’argent qui pesait le poids d’un nouveau-né. Nous le
trouvâmes sous son lit et l’ajoutâmes au butin à répartir entre nos hommes.
    Weland gisait sur l’herbe ensanglantée et nous regardait
tour à tour.
    — Tu veux le tuer ? me demanda Ragnar.
    — Oui, dis-je, puisque telle était la réponse qu’on
attendait de moi.
    Je me rappelai alors le jour où j’avais vu Ragnar sauter de
rame en rame sur son navire et celui où il avait apporté la tête de mon frère à
Bebbanburg.
    — Je veux le décapiter, dis-je.
    Weland voulut parler, mais il parvint seulement à produire
un gémissement rauque, les yeux fixés sur l’épée de Ragnar. Celui-ci me la
tendit.
    — Elle est bien affûtée, dit-il, mais exige de là
force. Une hache conviendrait mieux.
    Weland me fixait, tremblant et claquant des dents. Il
m’avait déplu dès le premier jour, mais à présent je le haïssais. Pourtant,
j’étais mal à l’aise à l’idée de le tuer, car il était déjà à moitié mort. Il
dut sentir mon hésitation, car il me supplia, pitoyable.
    — Je te servirai, gémit-il.
    — Que ce maraud souffre, répondit Ragnar pour moi.
Envoie-le à la déesse des morts, et que ses cris de souffrance la préviennent
de son arrivée.
    Je ne crois pas qu’il souffrit beaucoup. Il était déjà si
faible que mes piètres efforts lui firent perdre bien vite conscience, mais malgré
tout il me fallut de longues minutes pour le tuer. J’ai toujours été étonné des
efforts nécessaires pour tuer un homme. Si l’on en croit les scaldes, c’est
aisé, mais je frappai, sciai et hachai tant et si bien que je parvins enfin à
lui couper la tête et que Weland rendit l’âme, la bouche tordue par un rictus
douloureux qui me fut une sorte de consolation.
    Je demandai à Ragnar d’autres faveurs, sachant qu’il me les
accorderait. Je pris quelques-unes des pièces du butin, puis j’allai dans l’un
des principaux bâtiments du monastère, là où les moines copiaient les livres.
Ils les enluminaient de magnifiques lettres et, avant que ma vie ne change à
Eoferwic, j’y venais avec Beocca. Parfois, les moines me laissaient colorer des
morceaux de parchemin.
    C’étaient les couleurs que je cherchais. Elles se trouvaient
dans des coupes, généralement sous forme de poudre, parfois mêlées de gomme, et
il me fallait un morceau d’étoffe. Je trouvai dans l’église un carré de linge
blanc qui servait à recouvrir les sacrements. Je retournai à la salle de copie
et dessinai au charbon une tête de loup que je coloriai en noir avec un peu
d’encre. Brida se révéla bien plus douée que moi : elle ajouta un œil et
une langue rouges puis parsema la fourrure noire de petites touches de blanc et
de bleu. Une fois la bannière achevée, nous l’attachâmes au bâton surmonté
d’une croix de l’abbé. Ragnar, lui, fouillait la bibliothèque du monastère. Une
fois qu’il eut arraché toutes les couvertures d’ouvrages incrustées de
pierreries et que j’eus achevé ma bannière, nous brûlâmes l’abbaye.
    La pluie cessa quand nous partîmes. Nous traversâmes le gué
au trot, et Ragnar, à ma demande, suivit le chemin côtier jusqu’à Bebbanburg.
Là, je dénouai mes cheveux. Puis, une épée empruntée passée à ma ceinture, je
chevauchai vers ma demeure, accompagné de Brida qui tenait la bannière, montée
sur le cheval de Ravn. C’est alors que je vis mon oncle. Ælfric, le traître, me
regardait depuis la Porte Basse. Je le fixai afin qu’il me reconnaisse, puis je
jetai la tête de Weland à terre, à l’endroit où fut naguère jetée celle de mon
frère, suivie de trente pièces d’argent.
    Le salaire de Judas. Je me rappelais cette légende
chrétienne, l’une des rares qui m’avait plu.
    Aucun des archers postés sur les remparts ne tira.
J’adressai à mon oncle le signe du diable, poing fermé, index et petit doigt
tendus pour figurer les cornes, et crachai dans sa direction avant de tourner
bride. À présent, il savait que je le tuerais comme un chien dès que j’en
aurais l’occasion.
    — Uhtred ! m’alerta Brida.
    Je me retournai sur ma selle et vis qu’un

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