Le dernier royaume
l’armée, des messagers de l’ealdorman Ricsig
de Dunholm firent leur apparition. Dunholm était une grande forteresse située
dans un nœud de la rivière Wire, cela la rendait presque aussi imprenable que
Bebbanburg. Ricsig n’avait jamais levé l’épée contre les Danes. Lors de
l’attaque d’Eoferwic où mon père avait été tué, Ricsig avait prétendu qu’il
était malade, mais à présent ses serviteurs annoncèrent à Ivar qu’un groupe de
Danes avaient été massacrés à Gyruum. Il semblait que six Danes, tous sans
suzerain, étaient venus à Gyruum en demandant à voir le trésor du monastère.
Les moines ayant répondu qu’ils étaient pauvres, les six hommes avaient
entrepris de les tuer. Les moines avaient résisté, et comme ils étaient plus
d’une vingtaine, assistés par quelques villageois, ils étaient parvenus à
occire les six Danes qui avaient fini embrochés sur des piques et laissés à
pourrir sur le rivage. Jusque-là, admit Ragnar, la faute revenait aux
Danes ; mais les moines, encouragés par le massacre, avaient remonté la
rivière Tine et attaqué une colonie dane qui ne comptait que quelques hommes,
trop âgés ou malades pour partir en guerre. Sur ces entrefaites, ils avaient
violé et tué une vingtaine de femmes et d’enfants, sous prétexte de guerre
sainte. D’autres avaient rejoint cette armée improvisée, mais l’ealdorman
Ricsig, redoutant la vengeance des Danes, avait capturé bon nombre de rebelles
et de moines, désormais détenus dans sa forteresse de Dunholm.
Cela nous fut narré par les messagers de Ricsig puis par des
Danes ayant survécu au massacre, dont une fille de l’âge de celle de Ragnar.
Elle nous déclara que les moines l’avaient violée puis baptisée de force. Elle
raconta que des nonnes, qui accompagnaient et encourageaient ces hommes,
avaient pris part au massacre.
— Un nid de vipères, dit Ragnar.
Je ne l’avais jamais vu si en colère, pas même lorsque Sven
s’était exhibé devant Thyra. Nous déterrâmes des dépouilles de Danes et constatâmes
qu’ils étaient nus et ensanglantés. Tous avaient été torturés.
Nous contraignîmes un prêtre à nous indiquer les principaux
monastères et couvents de Northumbrie. Gyruum était l’un de ceux-là, bien sûr,
ainsi qu’un vaste couvent de l’autre côté de la rivière, et un second
monastère, là où la Wire se jette dans la mer. Streonshall était proche
d’Eoferwic et abritait de nombreuses nonnes, tandis que non loin de Bebbanburg,
sur l’île que Beocca disait sacrée, se trouvait le monastère de Lindisfarena. Il
y en avait bien d’autres, mais Ragnar se contenta des principaux et envoya des
messagers proposer à Ivar et Ubba que les nonnes de Streonshall soient
dispersées, et qu’on tue toutes celles reconnues coupables d’avoir participé à
la révolte. Après quoi nous nous mîmes en route pour Gyruum. Tous les moines
furent exterminés, les bâtiments qui n’étaient pas de pierre brûlés, et les
trésors – car ils avaient en réalité caché de l’or et de l’argent sous leur
église – emportés. Je me souviens que nous découvrîmes une grande quantité
d’écrits, des piles de parchemins, tous couverts de lettres noires. J’ignorais
de quoi il s’agissait et je ne le saurai jamais, car nous brûlâmes tout. Une
fois le monastère anéanti, nous partîmes au sud vers l’embouchure de la Wire et
poursuivîmes notre œuvre de destruction. Puis nous traversâmes la Tine et
réduisîmes à néant le couvent de la rive nord. À l’annonce de notre arrivée,
les nonnes se lacérèrent le visage pour nous dissuader de les violer, et nous
accueillirent en hurlant, ainsi ensanglantées et hideuses. Elles auraient dû
s’enfuir plutôt que de nous attendre.
Je n’ai jamais avoué à Alfred que je fus de ceux qui
anéantirent les couvents du Nord. On relate toujours cet épisode afin de
prouver la férocité et la traîtrise des Danes. En vérité, tous les enfants
angles connaissent l’histoire des nonnes qui se tailladèrent le visage jusqu’à
l’os pour être trop laides à violer. Je me rappelle avoir entendu à la Pâque un
prêche sur ces nonnes et avoir dû me retenir de ne pas déclarer que le prêtre
contait menteries. Il prétendait que les Danes avaient promis de ne faire de
mal à aucun moine ni nonne de Northumbrie, et ce n’était point vrai. Il allégua
qu’il n’y avait nulle raison à ces massacres, et c’était tout
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