Le dernier templier
du plus profond de lui. L’aspect aléatoire de ces actes de démence meurtrière et leur propension exaspérante à prendre tout le monde au dépourvu ne cessaient de le stupéfier. Mais cet endroit avait quand même quelque chose d’étrange — d’étrange et même de dérangeant. D’une certaine façon, ce drame était presque trop incongru, trop éloigné de tout ce qu’on avait pu imaginer, de tous les scénarios que ses collègues et lui avaient tenté d’anticiper au cours des dernières années. Reilly avait l’impression d’être planté à l’extérieur d’un grand chapiteau, comme si une scène accessoire distrayait son attention du spectacle principal. Pire : d’une manière inquiétante — et à son grand déplaisir —, il était presque heureux d’éprouver cette sensation.
En sa qualité d’agent spécial dirigeant l’unité antiterroriste du bureau de New York, il avait deviné que le raid finirait par lui incomber dès qu’il avait reçu l’appel. À dire vrai, il n’avait pas peur du travail phénoménal que représentait la coordination des activités de dizaines d’agents et de policiers, mais aussi des analystes, des techniciens des labos, des psycholo-
gués, des photographes et d’innombrables autres. C’était ce qu’il avait toujours voulu faire.
Ce sentiment s’était cristallisé pendant ses années à la fac de droit de Notre-Dame. Pour Reilly, beaucoup de choses n’allaient pas dans ce monde — la mort de son père alors qu’il n’avait que dix ans en était une preuve douloureuse — et il voulait contribuer à faire de sa planète un endroit meilleur, au moins pour les autres, à défaut de l’être pour lui. C’était devenu une obsession le jour où, travaillant sur un article à propos d’un crime raciste, il avait assisté à un rassemblement de suprématistes blancs à Terre Haute. L’événement l’avait profondément affecté. Il s’était senti confronté au mal personnifié. Aussi avait-il aussitôt éprouvé un besoin pressant de mieux le comprendre s’il voulait contribuer à le combattre.
Son premier projet ne fonctionna pas aussi bien qu’il l’avait espéré. Dans un élan d’idéalisme juvénile, il avait décidé de devenir pilote de la Navy. L’idée de débarrasser le monde du mal depuis le cockpit d’un Tomcat argenté lui semblait admirable. Son profil correspondait au type de recrue que l’on cherchait alors. Malheureusement, ce dont on avait besoin, c’était de juristes. On avait tenté de le convaincre de rejoindre le corps des assesseurs généraux. Pendant un moment, Reilly avait soupesé cette idée, puis il avait choisi de renoncer et il s’était concentré sur son examen du barreau de l’Indiana.
Une rencontre fortuite dans une boutique de livres d’occasion avait réorienté sa voie, cette fois pour de bon. Un agent du FBI en retraite n’avait été que trop content de lui parler du Bureau et de l’encourager à postuler... Ce qu’il avait fait dès qu’il avait été reçu au barreau. Sa mère n’était guère ravie à l’idée que son fils ait pu suivre sept ans d’études pour finir, selon sa propre expression, dans la peau d’un « flic amélioré ».
Pour sa période d’agent débutant, on l’avait affecté au bureau de Chicago. Là, il enregistrait sur ordinateur les affaires de vol à l’arraché sur la voie publique ou les noms de certains gangs de trafiquants de drogue.
Cela faisait à peine un an qu’il était là quand, le 26 février 1993, tout avait basculé. Ce jour-là, une bombe avait explosé dans le parking souterrain du World Trade Center, tuant six personnes et en blessant plus d’un millier j plus de huit ans avant le 11 septembre 2001, les terroristes avaient déjà bel et bien projeté de faire s’effondrer l’une des tours du World Trade Center sur l’autre, tout en soulevant un nuage de gaz cyanhydrique. Seuls des problèmes financiers les avaient empêchés d’atteindre leur objectif : ils s’étaient tout simplement retrouvés à court d’argent dans la phase finale de leur projet. Non seulement ils n’avaient pas pu se procurer assez de cartouches de gaz pour accomplir la totalité de leur dessein, mais, en outre, ils avaient placé le dispositif contre la mauvaise colonne, en l’occurrence un pilier qui n’était pas porteur.
Même si l’attaque avait échoué, elle avait représenté une sérieuse alerte. Elle démontrait notamment qu’un petit
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