Le dernier templier
groupe d’individus sans qualifications particulières — pratiquement des amateurs —, avec très peu d’argent ou de ressources, pouvait causer des dégâts phénoménaux. Les agences de renseignement s’étaient hâtées de réorganiser leurs moyens et leurs dispositifs pour faire face à cette nouvelle menace.
Ainsi, moins d’un an après avoir rejoint le Bureau, Reilly s’était retrouvé muté à l’antenne new-yorkaise. Depuis longtemps, celle-ci avait la réputation d’être le pire endroit où travailler, en raison du coût élevé de la vie à New York, des problèmes de circulation et de la nécessité de vivre assez loin du centre si on voulait habiter quelque chose d’un peu plus spacieux qu’un placard à balais. Toutefois, étant donné que cette mégapole avait toujours engendré de l’action, c’était le poste dont rêvaient la quasi-totalité des nouveaux — et naïfs — agents spéciaux. Reilly faisait partie de ces derniers quand on l’avait nommé à New York.
Aujourd’hui, il n’était plus nouveau... ni naïf.
En observant le spectacle autour de lui, Reilly comprit que son avenir immédiat allait être monopolisé par le chaos qui l’entourait. Il nota qu’il devrait appeler le père Bragg dès le lendemain matin pour lui annoncer qu’il ne serait pas en mesure d’assurer l’entraînement de softball. Cette idée lui était désagréable. Il détestait décevoir les gamins. S’il y avait bien une chose sur laquelle il essayait de ne pas laisser le travail empiéter, c’étaient ses dimanches au parc.
Assurément, ce dimanche-là, il le passerait quand même au parc... mais pour d’autres raisons, beaucoup moins agréables.
— Tu veux aller jeter un coup d’oeil à l’intérieur ? proposa Aparo.
— Oui, répondit-il en haussant les épaules.
Une dernière fois, il balaya du regard la confusion surréaliste qui régnait autour de lui.
5
Reilly pénétra dans le Met avec Aparo. En enjambant soigneusement les débris éparpillés, il prit toute la mesure de la désolation qui régnait à l’intérieur.
Partout gisaient des reliques inestimables. La plupart étaient irréparables. Dans le musée même, on n’avait tendu aucune bande noir et jaune. L’ensemble du bâtiment était considéré comme lieu du crime. Le sol du grand hall n’était qu’une effroyable vision de dévastation : fragments de marbre, éclats de verre, taches de sang... Chacune de ces pièces à conviction était susceptible de fournir un indice.
Tout de blanc vêtus, une dizaine de techniciens de la police progressaient méthodiquement au milieu des débris. Pour l’occasion, ils avaient été rejoints par des agents de l’ERT, l’équipe de recherches de preuves du FBI.
Reilly récapitula ce qu’il savait déjà. Quatre cavaliers. Cinq cadavres. Trois flics, un vigile, un civil. Quatre autres policiers et une dizaine de civils souffraient de blessures par balles, dont deux étaient dans un état critique. Une vingtaine avaient reçu des éclats de verre. Et pratiquement le double présentaient des ecchymoses bénignes. Sinon, on dénombrait probablement assez de traumatismes pour occuper pendant des mois une armada de psychologues.
De l’autre côté du hall, Tom Jansson, le directeur adjoint de l’antenne de New York, discutait avec le filiforme chef du 19 e district. Ils débattaient de questions d’autorité et de juridiction éminemment sujettes à controverse. L’implication du Vatican et la possibilité d’un attentat entraînaient normalement le transfert immédiat de l’enquête du NYPD {4} au FBI. Heureusement, pour résoudre le problème, un accord avait été passé entre les deux organisations quelques années plus tôt. Quand une arrestation intervenait, le NYPD s’attribuait la gloire de celle-ci, quels qu’en soient les responsables réels. Le FBI n’obtenait sa part d’honneurs que lorsque l’affaire passait en jugement, afin, par son témoignage, d’assurer la condamnation. Hélas, souvent, les susceptibilités personnelles se mettaient en travers d’une coopération sensée. C’était apparemment le cas ce soir-là.
Aparo héla un homme que Reilly ne connaissait pas et le présenta comme l’inspecteur Steve Buchinski.
— Steve est heureux de nous aider en attendant qu’ils aient fini de couper les cheveux en quatre.
— Dites-moi simplement ce dont vous avez besoin, confirma Buchinski. J’ai autant envie que vous de coincer les
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