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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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tournèrent les talons et suivirent les Malais
dans l'entrepont.
    Phaulkon tira sur le cordage qui maintenait la barre pour
rectifier le cap et leva les yeux vers le ciel. Il était à peine neuf heures
passées et le soleil était déjà haut : il enfila sa chemise de mousseline
blanche par-dessus son pantalon flottant afin de se protéger des ardeurs
tropicales. Il était seul maintenant sur le pont avec Abdul, le cuisinier, qui
continuait, impassible, à touiller sa marmite. Ils suivaient la côte,
descendant vers l'isthme étroit qui séparait le golfe du Siam du golfe du
Bengale, c'est-à-dire le Pacifique de l'océan Indien.
    Surveillant d'un œil Abdul et de l'autre le vaste océan
qui s'étendait devant lui, il repassa dans son esprit les événements de la
veille qui avaient abouti à l'attaque de ce matin, cherchant l'indice qui lui
échappait.
    La jonque était à dix jours de l'embouchure du Menam Chao
Phrava : la Noble Rivière ou Rivière des Rois était pour le royaume de Siam ce
que le Nil représentait pour l'Égypte ou le Gange pour l'Inde. Une douce brise
du nord avait soufflé les neuf premiers jours mais elle avait cessé pendant la
nuit. Le soleil brûlant s'était levé sur des voiles qui pendaient mollement et
sur une mer lisse comme du verre. La jonque flottait sur des eaux immobiles en
vue du rivage : on n'entendait même plus le craquement des madriers. Rien ne
semblait devoir troubler cette tranquillité.
    Enfin, rien sauf l'instinct de Phaulkon. Deux choses le
tracassaient. L'une était l'impressionnant calme de l'océan qui semblait
rassembler ses forces dans quelque redoutable intention. L'autre, un subtil
changement, à peine sensible, dans le comportement de l'équipage depuis qu'on
avait aperçu la pointe de Ligor à l'aube ce matin-là.
    Phaulkon s'attendait à trouver les Malais serviles.
C'était une attitude qu'ils adoptaient avec une astuce magistrale : mais Achmed
s'était approché de lui au lever du jour en arborant un large sourire encore
plus appuyé que d'habitude.
    « Nous devons approcher de Ligor, n'est-ce pas, Tuan ?
fit Achmed d'un ton légèrement interrogateur.
    — Pourquoi me le demandes-tu? avait répliqué Phaulkon qui
parlait couramment malais. C'est à Songkhla que nous faisons escale, pas à
Ligor. »
    Le Malais avait observé le ciel et Phaulkon avait suivi
son regard. Si loin que l'œil pouvait porter, les cieux avaient la couleur d'un
été sur la mer Égée et l'océan était un immense lac scintillant qui s'étendait
sans une ride jusqu'à l'horizon.
    « Avec un temps aussi calme, Tuan, ne serait-il pas sage
de relâcher à Ligor? Nous n'avançons pas et nous pourrions au moins nous
réapprovisionner.
    — Nos documents autorisent une escale à Songk-hla, pas à
Ligor. Songkhla n'est qu'à deux jours d'ici et nous avons bien assez de
provisions. »
    D'après leurs documents officiels, portant l'auguste
sceau du Barcalon, le Premier ministre du grand roi Naraï de Siam, le Royal
Lotus avait droit de naviguer de la capitale, Avuthia, jusqu'aux États
malais, au sud de la frontière siamoise. La jonque avait la permission de
relâcher à Songkhla, un port siamois du Sud, pour commercer et se
réapprovisionner. Outre l'équipage malais de quatre hommes, le registre
comportait les noms de trois farangs, ainsi qu'on appelait au Siam les
étrangers blancs : Richard Burnabv, chef du comptoir de la Compagnie anglaise
des Indes orientales à Avuthia. Constantin Phaulkon, son adjoint et capitaine
du navire. Et Thomas Ivatt, une nouvelle recrue venue de la direction de la
Compagnie à Londres.
    Le manifeste mentionnait une cargaison de drap anglais de
qualité supérieure, teint avec le plus beau vermillon : tissu très apprécié par
les rajahs et sultans de Malacca dont beaucoup devaient obéissance au puissant
monarque du Siam. Toutefois le Royal Lotus ne transportait pas seulement
cette cargaison officielle. Dissimulés parmi les grandes balles de tissus — et
dont seuls Phaulkon, Burnaby et un certain capitaine Alvarez connaissaient
l'existence — se trouvaient cinq des meilleurs canons hollandais, fondus à
Amsterdam par De Groot lui-même. La direction régionale de la Compagnie des
Indes orientales à Madras ignorait tout autant leur présence à bord que les
autorités siamoises d'Ayuthia. Ces canons étaient assez puissants pour détruire
— ou pour créer — un royaume et, à Pattani, leur ultime destination à dix
lieues au sud de Songkhla, ils

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