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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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millions ?
    Nullement intimidé, Saêtta rectifia froidement :
    – J’apporte en effet dix millions au Trésor, monseigneur. Sully le fixa le quart d’une seconde et, avec la même brusquerie :
    – Soit. Où sont ces millions ? Parlez. Et surtout soyez bref : je n’ai pas de temps à perdre.
    L’accueil eût démonté un solliciteur ordinaire. Il eût écrasé un courtisan. Mais Saêtta ne se considérait pas comme un solliciteur, et il n’était pas courtisan. Il ne fut pas démonté : il fut piqué. Et se redressant, du tac au tac, il répliqua :
    – Je sais que votre temps est précieux, monseigneur. Je ne vous demande que dix minutes en échange de quoi je vous donne dix millions… Un million par minute… C’est assez bien payé, même pour un ministre.
    La réponse était plutôt impertinente. Sully fronça le sourcil et allongea la main vers le marteau pour appeler et faire jeter dehors l’insolent.
    Mais cet homme remarquable, qui rendit d’éminents services à son roi, avait un faible, comme tous les hommes, qu’ils soient illustres ou obscurs. Le faible de Sully était l’intérêt. L’intérêt frisant de près la rapacité.
    Il réfléchit que s’il faisait jeter dehors l’homme avant qu’il eût parlé, il courait le risque de perdre dix millions. La somme méritait d’être prise en considération, sinon l’homme qui lui paraissait négligeable.
    Il n’acheva pas le geste. Et, avec un air de souverain mépris :
    – Je vous engage à peser vos paroles… J’imagine que vous ne manquerez pas de réclamer une part de ces millions. En sorte qu’au bout du compte, c’est encore moi qui payerai et non vous.
    Sully pensait bien avoir maté le singulier visiteur. Mais Saêtta avait conscience de l’importance de la divulgation qu’il allait faire et de la force qu’elle lui donnait. Peut-être éprouvait-il une sourde rancune contre tout ce qui était grand et haut placé, et n’était-il pas fâché d’humilier à son tour un de ces grands personnages qui l’écrasaient de leur dédain.
    Quoi qu’il en soit, il ne lâcha pas pied et rétorqua flegmatiquement :
    – Vous imaginez mal, monseigneur. Je ne réclame rien, je ne demande rien. Au contraire, j’entends vous rendre, en sus des millions, un service en vous donnant un avis dont vous reconnaîtrez la valeur. Vous voyez que c’est bien moi qui paye… et de toutes les manières.
    Cette fois, Sully fut étonné. L’homme n’était pas le premier venu, décidément. Evidemment, il manquait d’éducation. Il l’avait jugé tout de suite sur ce point. Mais s’il disait vrai, il faisait preuve d’un désintéressement peu commun. En outre, pour lui parler sur ce ton, il fallait qu’il fût vraiment brave. Allait-il, par une sotte susceptibilité, risquer de faire perdre à l’Etat une somme énorme ? Non, ma foi. Il fallait savoir d’abord. Il serait temps de châtier l’homme après, s’il s’était vanté. Il refoula donc sa mauvaise humeur et adoucissant ses manières :
    – S’il en est ainsi, parlez. Je vous écoute.
    – Monseigneur, dit Saêtta à brûle-pourpoint, vous n’êtes pas sans avoir entendu parler du trésor de la princesse Fausta ?
    Sully dressa l’oreille et devint très attentif sous son apparente impassibilité. Mais, se tenant sur la réserve :
    – Je sais, dit-il. Je sais aussi que nul ne sait où est caché ce trésor… Si toutefois il existe réellement.
    – Il existe, monseigneur, affirma péremptoirement Saêtta. Il existe, je sais où il est caché, moi, et c’est ce que je viens vous apprendre.
    Une lueur s’alluma sous les sourcils broussailleux du ministre. Mais toujours sur la réserve :
    – Comment savez-vous cela, vous ?
    – Peu importe, monseigneur. Je le sais, c’est l’essentiel pour vous. Il fouilla dans son pourpoint, en tira un papier plié en quatre, qu’il tendit au ministre, en disant :
    – Ce papier, monseigneur, contient des indications complètes et exactes sur l’emplacement où sont enfouis les millions. Vous n’aurez que la peine de les faire prendre là.
    Le papier que Saêtta tendait au ministre était celui qu’il avait trouvé dans le cachot de Jehan, rue des Rats. Dans sa chute, la cassette avait échappé et s’était ouverte. Les papiers s’étaient éparpillés. Il les avait ramassés à tâtons, mais dans l’obscurité, celui-là lui avait échappé. De même qu’il avait échappé à Pardaillan et à

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