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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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tressaillit.
    – Vous croyez donc à ces sortes de prédictions ? fit-il sans chercher à cacher son inquiétude.
    – En général, je suis assez sceptique. Mais pour ce qui est de cette prédiction-là, oui, j’y crois. J’y crois fermement.
    Et Pardaillan insista particulièrement sur ces derniers mots, qu’il soulignait encore d’un coup d’œil des plus expressifs.
    Sully pâlit légèrement. Il rapprocha vivement son fauteuil en baissant la voix.
    – Pour Dieu, parlez, monsieur. Vous savez quelque chose.
    – Morbleu, monsieur, je me tue à vous dire que je ne sais rien… Si ce n’est que le roi, à la suite d’une grande cérémonie – le sacre de la reine, par exemple – doit être assassiné dans un carrosse… C’est la prédiction qui le dit, notez bien, ce n’est pas moi.
    Cette fois, Sully comprit. De pâle qu’il était, il devint livide. Et la voix étranglée :
    – Et vous croyez que la reine…
    – Pour Dieu, mon cher monsieur de Sully, interrompit Pardaillan, ne me faites pas dire ce qui n’est pas dans ma pensée… La reine est femme : coquette et tenace. Elle voit dans cette cérémonie une occasion de briller dans ses atours royaux. Elle la réclame à cor et à cri, sans trop se soucier des conséquences qu’elle peut avoir. Au surplus elle ignore, sans aucun doute, que la cérémonie de son sacre est précisément celle visée par la prédiction.
    Sully se leva brusquement. Pardaillan le saisit par le bras, et :
    – Où allez-vous, monsieur ? fit-il très calme.
    – Chez le roi ! Lui dire…
    – Jolie idée ! fit Pardaillan en levant les épaules. Eh ! morbleu ! si j’avais voulu mettre ce souci dans la tête du roi, je ne serais pas venu vous trouver !…
    – C’est juste ! C’est juste ! balbutia Sully, qui se laissa tomber lourdement dans son fauteuil.
    – Au surplus, monsieur, continua Pardaillan avec son calme inaltérable, à quoi vous sert-il de vous effarer ainsi ? Il n’y a pas péril en la demeure. Puisque je vous dis que le roi ne sera meurtri qu’après la cérémonie, il est clair que, jusque-là, il peut dormir sur ses deux oreilles.
    – Vous avez encore raison, monsieur, dit Sully, qui se ressaisissait. Mais cette fois-ci, vous le dites bien, le roi doit être meurtri.
    – L’ai-je dit ? fit Pardaillan, qui reprit son air naïf. C’est de la prédiction que je voulais parler.
    Sully n’insista pas. Il connaissait Pardaillan et il savait qu’il n’en tirerait que ce qu’il voudrait bien dire. Au reste, il se tenait pour dûment averti.
    – Pardieu ! dit-il, je vais conseiller au roi de refuser formellement et catégoriquement.
    Et en disant ces mots, il consultait de l’œil Pardaillan, comme pour lui demander son avis.
    – Mauvais moyen, dit nettement celui-ci.
    – Pourquoi ?
    – Parce que si le sacre de la reine est refusé, on peut chercher une autre cérémonie, à laquelle nous n’aurons pas songé, toujours pour rester dans les termes de la prédiction.
    – Que faut-il faire, selon vous ?
    – Accorder, accorder aimablement et fixer une date ferme. De sorte que nul ne puisse douter des bonnes intentions du roi. Nous voici à la mi-mai, le roi pourrait prendre date pour la mi-septembre. Ceci fait quatre bons mois. Ce n’est pas trop pour préparer convenablement une cérémonie de cette importance… Et cela fait toujours quatre mois pendant lesquels notre Sire sera à l’abri de toute tentative criminelle.
    – Oui, mais ensuite ? fit Sully rêveur.
    – Ensuite, vous trouverez des prétextes plausibles pour renvoyer la chose au printemps.
    – Et alors ?
    – Ah ! mon cher monsieur, vous m’en demandez trop. Mortdiable ! Vous gagnez près d’une année. C’est énorme, cela. En un an, il se passe tant de choses ! Tant de gens meurent ou disparaissent… ou changent d’idée. La fameuse prédiction ne sera peut-être plus à redouter.
    Et comme s’il avait dit tout ce qu’il avait à dire, Pardaillan se leva pour prendre congé.
    Sully lui prit les deux mains, et les serrant à les briser, il dit d’une voix émue :
    – Je savais bien que vous étiez venu pour me rendre service. Quand on vous voit apparaître on peut être assuré qu’un danger grave plane sur la maison et que vous arrivez pour l’écarter.
    – Bah ! fit Pardaillan en souriant ; vous exagérez quelque peu. Vous voilà prévenu ; vous avez devant vous quelques mois de tranquillité. C’est beaucoup.

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