Le Fils de Pardaillan
Pardaillan, vous êtes brave et ne redoutez rien. Mais Concini ne vous attaquera pas loyalement, eh pardieu ! vous devez le savoir, j’imagine ! Vous serez pris à l’improviste et par derrière. Si vous êtes arrêté ou blessé… que deviendra la demoiselle de Saugis ?
– Pardieu ! monsieur, vous avez toujours raison ! s’écria Jehan qui avait pâli.
Pardaillan eut un imperceptible sourire et :
– Alors, c’est dit ? Vous acceptez l’hospitalité que je vous offre.
– Je vous remercie, monsieur, et de tout mon cœur, fit Jehan d’un ton pénétré. Je sais où aller, ne vous inquiétez pas.
Pardaillan comprit à quel sentiment de fierté il obéissait en refusant l’hospitalité qui lui était offerte. Et comme lui-même eût agi de même, il n’insista pas et il recommanda :
– Si vous voulez me croire, vous ferez en sorte que nul ne connaisse votre nouveau domicile. Pas même…
Il allait dire : pas même votre père. Il s’arrêta interdit. Mais maintenant que les soupçons de Jehan se précisaient de plus en plus, maintenant qu’il était décidé à pénétrer coûte que coûte la pensée secrète de Saêtta, il se tenait sur ses gardes, à l’affût du moindre incident susceptible de le lancer sur une piste. Il devina ce que le chevalier avait voulu dire et acheva lui-même :
– Pas même mon père, soyez tranquille, monsieur.
Il dit cela d’un air très naturel, sans paraître attacher la moindre importance à cette extraordinaire recommandation.
Déjà Pardaillan se morigénait, regrettant les paroles imprudentes qui lui étaient échappées malgré lui. Mais il était trop tard.
Jehan, d’ailleurs, n’insista pas. Il s’éloigna, après un geste d’adieu amical, de ce pas rapide qui lui était particulier. Pardaillan le rappela :
– A propos, dit-il, connaissez-vous quelqu’un demeurant dans la maison qui fait l’angle de la rue de la Petite-Truanderie, en face du Puits-d’Amour ?
– La maison en face du Puits-d’Amour, fit Jehan en observant attentivement Pardaillan, je ne connais qu’une personne qui demeure là.
– Qui est-ce ? fit Pardaillan d’un air indifférent. Jehan prit un temps et le regardant droit dans les yeux :
– C’est mon père ! dit-il.
Si maître de lui qu’il fût, Pardaillan ne put réprimer un sursaut. Jehan eut un indéfinissable sourire et s’éloigna sans ajouter une parole, laissant Pardaillan stupéfait sur le perron, jusqu’où il l’avait reconduit.
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Chapitre 2
N ous prions le lecteur de vouloir bien nous suivre dans le petit cabinet du roi. Ce petit cabinet touchait à cette petite chambre à coucher où nous l’avons déjà entrevu. Dans l’appartement royal, ces deux pièces formaient comme un retrait intime où il n’admettait que ses amis les plus anciens, les plus éprouvés.
Henri IV s’y trouvait en tête à tête avec Sully et ceci se passait le lendemain matin de ce jour où le ministre avait reçu la visite de Pardaillan et, ensuite, des mains de Saêtta, le papier, écrit en italien, qui donnait les indications sur le trésor.
Sully avait d’abord essayé de faire accepter l’idée suggérée par Pardaillan, qui était, si on s’en souvient, de paraître céder au désir de la reine et de fixer une date ferme pour la cérémonie du couronnement. Mais le roi n’était pas homme à se contenter de vagues explications. Sully, acculé, dut se résigner à le mettre au courant de l’avertissement déguisé donné par Pardaillan.
Dès les premiers mots, Henri avait pâli et s’était laissé tomber dans le fauteuil. La peur de l’assassinat, nous l’avons dit, était son chancre rongeur. Lorsque le ministre eut terminé ses explications, il tapa avec colère sur ses deux cuisses, et se levant, il s’exclama :
– Pardieu ! mon ami, ils me tueront, c’est certain !… Je ne sortirai pas vivant de cette ville !
– Ils ne vous tueront pas, Sire, si vous suivez le conseil qui vous est donné.
– Et après ?… Quand j’aurai gagné jusqu’au printemps prochain, en serai-je plus avancé ?
– Eh ! Sire, je vous dirai comme M. de Pardaillan : vous aurez gagné près d’un an. C’est beaucoup, il me semble… D’ici là, et avec de l’argent, nous serons prêts pour la mise à exécution de votre grand projet [16] . Au printemps, Sire, vous entrez en campagne et vous échappez au poignard des assassins. Et comme l’issue de la campagne n’est pas
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