Le Fils de Pardaillan
soulagez ma conscience.
Pendant que le père et le fils s’entretenaient, les trois braves s’étaient jetés sur les bottes de paille et ronflaient à qui mieux mieux.
Pardaillan et Jehan le Brave passèrent de longues heures à bavarder. Ou, pour mieux dire, Pardaillan fit bavarder son fils. C’est ainsi qu’entre autres choses il apprit que c’était grâce à Ravaillac que le jeune homme avait retrouvé Bertille. Il apprit en même temps que Ravaillac était passionnément épris de la jeune fille.
– Ce Ravaillac, dit-il d’un air indifférent, n’est-ce pas ce même homme qui voulut vous poignarder lorsque nous attendions le roi sur le perron de Bertille ?
– Lui-même, monsieur. Vous avez bonne mémoire. Entre nous, je puis vous le dire à présent, c’était le roi que Ravaillac voulait occire… Il était jaloux. Aussi, n’ai-je pas hésité à lui révéler que le roi est le père de Bertille… Le roi ne se doute pas qu’il me doit la vie.
– Ah ! fit Pardaillan d’un air étrange, il me semble avoir rencontré ce Ravaillac avec le moine Parfait Goulard.
– Oui. Ce sont deux grands amis. Je vous avouerai même que cette amitié me surprend un peu. De mœurs et de caractère, jamais hommes ne furent plus dissemblables.
Pardaillan fronça le sourcil et ne dit rien. Il songeait à frère Parfait Goulard qu’il avait surpris contrefaisant l’homme ivre et il commençait à pénétrer le but poursuivi par le moine.
Les deux hommes finirent par se jeter côte à côte sur la paille. Jehan ne tarda pas à s’endormir. Il n’en fut pas de même de Pardaillan, qui se mit à songer aux événements de cette journée.
Il avait eu un long entretien avec Bertille, au cours duquel la jeune fille lui avait révélé tout ce qui l’intéressait au sujet des papiers dont elle avait la garde. Il savait déjà bien des choses essentielles à ce sujet. Les révélations qu’elle lui fit ne lui apprirent que des détails secondaires.
Bertille s’était montrée très inquiète de la disparition d’un étui à secret, lequel contenait la clé qui donnait leur véritable signification aux indications sur le trésor. On se rappellera qu’elle avait reconnu la bague de fer de Fausta au doigt de Perrette. C’est ce qui lui avait fait supposer que l’étui avait été égaré.
Pardaillan, qui avait son idée, s’était empressé de la rassurer en lui disant qu’il saurait veiller sur le trésor de son fils. La bague ayant été donnée à Perrette par son frère Gringaille, il en avait conclu que celui-ci avait eu en main l’étui. Comment ? Peu importait. Des mains de Gringaille, il ne doutait pas qu’il ne passât entre celles de son fils. Et les yeux clos, dans la nuit opaque, il se disait :
– Morbleu ! je ne lui dirai rien tant que cette question du trésor ne sera pas tranchée. Pour cela, je dois le laisser agir librement… sans le perdre de vue toutefois. Je gage qu’il connaît à cette heure le contenu de l’étui. Demain, il saura comment pénétrer en toute tranquillité jusqu’aux millions. Je veux voir s’il aura la force de résister à la tentation.
Ayant ainsi décidé, bien certain que Bertille (à qui il avait donné ses instructions sans lui faire connaître la vérité) ne dirait rien à Jehan, Pardaillan finit par s’endormir à son tour.
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Chapitre 19
L e lendemain, qui était un jeudi, les cinq hommes furent debout à la pointe du jour. Pardaillan vida sa ceinture. Elle contenait une centaine de pistoles qu’il offrit à son fils. Et comme celui-ci esquissait un geste de refus, il dit doucement :
– Prenez sans scrupule. Je ne suis pas riche, c’est vrai mais je puis disposer de ceci sans me gêner. Au surplus, vous me rembourserez quand vous aurez fait fortune… ce qui ne saurait tarder. Vous ne pouvez laisser ces pauvres diables dans l’état où ils sont.
Gringaille, Escargasse et Carcagne louchaient piteusement, tour à tour sur le petit tas d’or et sur leurs guenilles. Ils connaissaient l’orgueil de leur chef et ils pensaient bien qu’il allait refuser, ce dont ils enrageaient d’avance. A leur grande surprise, Jehan accepta sans façon. Mais, comme il ouvrait la bouche pour remercier, le chevalier coupa court en disant avec une brusquerie affectée :
– En route !
Il se dirigea vers un angle de la grotte et expliqua complaisamment le mécanisme qui actionnait la porte secrète. Cette porte franchie, ils s’engagèrent
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