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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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sourdement :
    – Qui sait si je n’ai pas fait la pire des folies en le laissant aller… Je le tenais si bien !
    – Eh ! monseigneur, ricana Saêtta, radieux, il aura reculé pour mieux sauter. Son compte est bon, je vous en réponds.
    Concini ne se dérida pas.
    – Attendons, dit-il laconiquement.
    – L’attente ne fut pas longue. Bientôt un homme accourut ventre à terre. Il haleta :
    – C’est fait, monseigneur ! L’homme a frappé. Un coup a suffi. Le chemin est libre !
    Celui qui s’exprimait avec cette indifférence cynique était un comparse quelconque. Il ignorait que l’homme qu’il avait vu assassiner était le roi. De tous les hommes qui entouraient Concini, aucun, à part Saêtta, ne connaissait la terrible vérité. Tous croyaient qu’il s’agissait de Jehan le Brave et de sa donzelle qu’on allait lui souffler après l’avoir meurtri.
    Concini se fit donner des détails. L’homme ne savait pas grand-chose : il avait vu un carrosse s’arrêter devant l’entrée du manoir. Un grand diable avait bondi à la portière et avait frappé un coup, rien qu’un coup, asséné de main de maître par exemple. Après le coup, il avait entendu un cri déchirant. Suivant ses instructions, il s’était empressé d’accourir aviser monseigneur.
    Ces renseignements étaient en somme assez vagues. Ils suffirent à Concini cependant. Son visage s’illumina d’une expression d’orgueil immense. Il se redressa de toute sa hauteur et rugit en lui-même :
    – Enfin !… Je suis le maître !…
    Et tout haut, sur un ton de commandement :
    – En route, messieurs, en route !
    Et il s’élança ventre à terre, suivi de toute sa troupe, coupant au plus court, droit à travers champs.
    En quelques minutes, il parvint à cette porte de derrière par où était sortie la Galigaï quelques heures plus tôt. Il laissa dehors cinq ou six hommes, chargés de garder les chevaux, et pénétra avec le reste de sa troupe.
    – Monseigneur, dit Saêtta avec cette familiarité narquoise qu’il affectait, pendant que vous allez cueillir votre jolie petite pie au nid, je vais faire un tour du côté de l’entrée. Je veux savoir ce que devient Jehan ! C’est la seule chose qui m’intéresse, moi !
    Ils étaient arrivés à la tour. Concini répondit par un signe de tête et, pendant que Saêtta poursuivait son chemin d’un pas dégagé, il tira le verrou d’une main tremblante et entra.
    Depuis le départ de Léonora, Bertille attendait cette minute avec le calme stoïque d’une résolution inébranlable. Elle ne se trouva donc pas prise au dépourvu. Elle fut à l’instant debout. Sa main alla chercher dans son corsage le poison. Et elle se tint prête.
    Concini avait repoussé la porte du pied, sans la fermer. Dehors, ses estafiers riaient et plaisantaient, menaient grand tapage, comme chez eux. Il ne craignait donc pas qu’elle pût lui échapper.
    Il se campa devant elle, sans dire un mot, et il se mit à rire, d’un rire hideux, formidable, plus terrifiant que la plus effroyable des menaces.
    Brusquement, le rire s’arrêta, se changea en un rictus grimaçant, ses traits se durcirent, une flamme s’alluma dans ses prunelles sombres ; il étendit la main, la laissa tomber sur l’épaule de la jeune fille, très pâle, mais droite et résolue, et il gronda d’une voix qui n’avait plus rien d’humain :
    – Je te prends…
    Bertille ne faiblit pas. Elle murmura très bas :
    – Adieu Jehan !… Adieu la vie !… Adieu l’amour !…
    Et d’un geste prompt comme l’éclair, sans que Concini stupéfait, songeât à l’arrêter, elle porta à ses lèvres le mignon petit flacon que lui avait donné Léonora, avec le regret de ne pouvoir faire davantage.

    *
    * *

    Le carrosse royal que nous avons vu, franchissant la porte Saint-Antoine, à une allure folle, était parvenu à l’ancien manoir royal. Depuis la tentative de Saint-Germain-des-Prés, avortée grâce à l’intervention de Pardaillan et de son fils, le carrosse du roi, quand il devait sortir de la ville, était attelé de six chevaux, avec deux postillons en tête.
    Le carrosse s’engagea dans le petit cul-de-sac et s’arrêta devant la porte cochère. A ce moment une voix, partie de l’intérieur, lança un retentissant :
    – 
Ventre-saint-gris !
    Ravaillac bondit hors de son trou. Il posa le pied sur le moyeu de la roue, plongea le buste à travers la portière ouverte, leva le bras armé d’un

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