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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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lui !
    – Je me tuais de vous dire que j’avais reconnu sa voix !
    – Lui, il nous a vus et reconnus sans nous avoir entendus !
    – Et pourtant nous étions bien cachés !
    – Cornedieu ! il y voit la nuit comme un chat !
    Ils étaient navrés d’avoir manqué une bonne aubaine et cependant ils exultaient. Ils roulaient des yeux terribles et se donnaient d’énormes bourrades. C’était leur manière d’exprimer leur joie d’avoir rencontré celui qu’ils appelaient « le chef » et pour lequel ils professaient une amitié et une admiration qui n’avaient d’égale que la crainte qu’il leur inspirait.
    – Eh zou ! reprit Escargasse, décampons vivement ! Vous avez entendu l’ordre : le suivre de loin, sans attirer l’attention des deux autres, ne pas le perdre de vue et nous tenir prêts à intervenir à son signal. Ouvrons l’œil.
    – M’est avis qu’il va falloir en découdre !
    – Oui, mais l’expédition sera fructueuse. Il ne se met pas en train pour une affaire de piètre importance.
    Tout en parlant, ils s’étaient déjà élancés, rasant les murailles, avec des allures souples de félins, sans que le moindre bruit trahît leur présence, et ils suivaient, l’œil au guet, l’oreille tendue, la main à la garde de la rapière, invisibles dans la nuit et ne perdant pas un mouvement des trois promeneurs.
    Le roi avait tourné encore une fois à gauche et s’était engagé dans la rue de l’Echelle qui aboutissait aux Tuileries, sur les derrières du Louvre. L’évêque de Paris avait son
échelle
dans cette rue, et c’est probablement de cet instrument de supplice qu’elle tirait son nom.
    Henri s’arrêta devant l’échelle et très naturellement, comme un simple guide qui renseigne le visiteur, il dit :
    – En l’an 1344, Henri de Malestroit fut hissé, dûment enchaîné, sur une échelle semblable à celle-ci. On lui jeta de la boue, des pierres aussi. A la troisième exposition, il mourut.
    Le roi prit un temps, et négligemment ajouta :
    – Henri de Malestroit était coupable de crime de rébellion envers le roi.
    Ses deux compagnons tressaillirent. L’allusion trop transparente était grosse de menaces.
    Tranquillement, avec un air pour le moins aussi détaché, Pardaillan dit :
    – Aujourd’hui, heureusement, on n’emploie plus guère ce supplice barbare et révoltant.
    – Même pour les
scélérats
coupables du crime de lèse-majesté, ajouta Jehan.
    – C’est vrai !… On les roue, dit froidement le roi qui se remit en marche.
    Les trois braves s’étaient arrêtés aussi et surveillaient de loin.
    – Que diable font-ils donc devant l’échelle ? fit Escargasse. Non sans mélancolie, Gringaille observa :
    – Comment d’honnêtes chrétiens peuvent-ils s’attarder ainsi devant ces inventions d’enfer qu’on appelle : gibets, estrapades, échelles, piloris !… Qu’y trouvent-ils donc de si attrayant ? Pour moi, les mauvais bougres qui viennent bayer devant ces machines devraient tous être condamnés à y passer quelques heures. Vous verriez si après ce temps ils ne sentiraient pas la colique les saisir au ventre à la simple vue d’une de ces choses.
    – C’est vrai, opina Carcagne. Pour moi, je confesse humblement que depuis le séjour forcé que je fis à l’une de ces machines – un pilori, je crois – je ne peux plus en voir sans éprouver une furieuse envie de détaler du côté opposé !
    Et les deux autres, ensemble :
    – C’est comme moi !
    Et ils reprirent leur poursuite en gens habitués à ces sortes d’expéditions, profitant habilement des moindres accidents de terrain, se maintenant toujours assez près pour ne pas perdre de vue ceux qu’ils pistaient, sans leur avoir donné l’éveil.
    Tout à coup, Carcagne s’écria d’une voix étouffée :
    – Cornes d’enfer ! Et le seigneur Concini qui nous attend !
    – Outre ! je l’avais oublié !
    – Il attendra, fit péremptoirement Gringaille. Notre vrai chef n’est pas le Concini !
    – C’est notre Jehan, zou ! le brave des braves, le fort des forts ! Le Concini sera encore bien aise de nous prendre quand nous arriverons.
    – Je ne dis pas non, Escargasse… Cependant le Concini a du bon… C’est lui qui nous donne la pâtée… Tout en obéissant à notre maître, on pourrait le ménager.
    – C’est très juste ce que tu dis là, Carcagne. Aussi on lui donnera une explication satisfaisante, au

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