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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pareil à quelque monstre fabuleux dont la gueule béante semblait s’ouvrir démesurément, prête à broyer la proie. Il y allait lentement, parce qu’il était entravé par ses soubresauts incessants, aveuglé par les coups qu’elle ne cessait de faire pleuvoir sur sa tête, au hasard, mais il y allait sûrement, sans dévier d’une ligne, avec l’inébranlable conviction que, ainsi qu’il l’avait dit, nulle puissance humaine ne pouvait la lui arracher. Et en marchant, pour répondre à ses appels interrompus, il hurlait de toute la puissance de ses poumons :
    – Ton Jehan ?… Il est au Châtelet… au Châtelet, je te dis, enchaîné dans quelque bon cachot d’où il ne sortira que pour être traîné à l’échafaud !
    Comme il prononçait ces paroles, une voix jeune claironna derrière lui :
    – Tu te trompes, Concini !… Jehan n’est pas au Châtelet. Il est ici !
    Au même instant, Concini reçut au bas des reins un coup d’une force impétueuse : c’était la botte de Jehan qui entrait en collision avec le derrière du favori de la reine. ; Le coup avait été si violent, si magistralement asséné, que Concini serait allé s’étaler sur le parquet avec son précieux fardeau si une poigne vigoureuse ne l’avait saisi à l’épaule et maintenu à temps. L’attaque avait été si soudaine, si imprévue, le choc si rude, si douloureux que le ravisseur, étourdi, suffoqué, ne put retenir un cri de douleur atroce. Mais, en même temps, il ouvrit les bras, lâcha sa victime qui courut se réfugier derrière son sauveur.
    Il n’en avait pas encore fini. Avant qu’il fût remis, Jehan le retourna d’un geste prompt et brutal et sa main levée s’abattit à toute volée sur la joue du misérable, qui alla rouler sur le parquet, où il demeura évanoui.
    q

Chapitre 14
    J ehan se tourna vers la jeune fille et, avec une voix d’une infinie douceur :
    – Ne craignez rien, dit-il.
    Elle leva sur lui un regard brillant qui traduisait franchement, loyalement sa reconnaissance, son admiration, son amour innocent. Avec une simplicité touchante qui disait sa confiance absolue, elle murmura :
    – Je n’ai plus peur, maintenant.
    Et, terrassée par l’émotion, brisée par la fatigue, elle ferma ses beaux yeux et s’évanouit. Forte et vaillante dans la lutte, elle payait maintenant son tribut à la nature.
    Il n’eut que le temps d’étendre le bras et de la recevoir. Il râla :
    – Morte ?…
    Et avec un regard sanglant à l’adresse de Concini, toujours inerte sur le parquet, il gronda :
    – Oh ! malheur à toi !…
    Mais déjà elle se remettait, se dégageait doucement, et elle lui souriait d’un sourire énivrant. Et lui, pâle comme la mort, tremblant, la gorge étreinte par une indicible émotion, dans un souffle qui ressemblait à un sanglot, il gémit :
    – Oh ! que j’ai eu peur !…
    Et c’était merveilleux, admirable. Ce lion qui ignorait la peur. Ce diable à quatre qui avait soutenu sans sourciller l’assaut de cinquante archers. Ce téméraire qui avait résolument tenu tête au souverain le plus puissant de l’Europe, qui avait poussé la bravade jusqu’à l’accompagner à la porte de son Louvre. Cet intrépide qui avait osé pénétrer dans l’antre de Concini – plus redoutable que le roi, à sa manière –, lui arracher sa proie et lui infliger la correction manuelle la plus déshonorante.
    Ce pourfendeur, ce tranche-montagne, tremblant comme une faible femme, avouant naïvement qu’il avait eu peur… parce qu’une enfant venait de se pâmer devant lui.
    Quelle déclaration d’amour eût pu être plus éloquente, plus douce et plus pénétrante que la déclaration d’amour contenue dans ces trois mots tombés de la bouche d’un tel homme : « J’ai eu peur » ? Et comme elle le comprit bien !
    Instantanément, ses traits tirés retrouvèrent leur animation ; ses joues livides, leur teinte rose d’une idéale délicatesse ; ses yeux mornes, fiévreux, leur éclat brillant ; ses lèvres crispées, leur sourire si doux : tout, dans cette physionomie si loyale et si expressive, disait ingénument son ravissement, son orgueil, son attendrissement. Toute son attitude était un chant d’allégresse et d’actions de grâces.
    Ils s’étaient parlé ce soir-là pour la première fois, et toutes leurs paroles, même les plus étrangères au sentiment, proclamaient hautement, noblement, leur amour. Et tous leurs gestes,

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