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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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moi !…
    Elle se raidit, la tête rejetée en arrière, pour éviter l’odieux baiser. Et de ses petits poings fermés, elle frappait comme elle pouvait, au hasard.
    Lui, il resserrait son étreinte, il la poussait vers l’estrade et il ricanait :
    – Frappe… mords… égratigne… Tes coups sont des caresses pour moi !
    Pourtant, à force de se tordre, de se débattre, elle finit par lui glisser des mains, elle réussit à se dégager. Elle n’avait plus qu’une pensée lucide : gagner du temps, ne fût-ce qu’une minute… atteindre la porte. Et puis ? Est-ce qu’elle savait !… Un miracle pouvait se produire. Ces trois hommes qui avaient pitié d’elle, tout à l’heure, interviendraient peut-être… Le plafond pouvait s’écrouler et l’écraser… le plancher s’effondrer et l’engloutir… Elle ne savait plus, tant son affolement était grand.
    Dans sa lutte, elle s’était laissé acculer contre la petite porte. Si cette porte s’ouvrait, c’était peut-être le salut. Elle essaya de l’ouvrir. Elle était fermée à clé, et la clé n’était pas sur la serrure. Alors tenter de gagner la grande porte ?… Mais il fallait contourner l’estrade et son lit monstrueux. Quel chemin à franchir ! Et le fauve était là qui guettait, qui la harcelait et barrait la route. Elle fit un appel désespéré au sang-froid et tenta l’aventure. Et dans cet espace d’angle réduit, ce fut la fuite raisonnée, méthodique. Elle, renversant tout ce qui se trouvait à portée de sa main, accumulant les obstacles, les yeux dilatés, hagards, obstinément fixés sur le but à atteindre, les forces décuplées par le désespoir. Et comprenant que s’il la saisissait à nouveau, si elle tombait, si elle s’évanouissait, elle était perdue, elle agissait avec une hâte prudente, attentive à tout, ménageant ses forces. Et cependant, sans interruption, elle poussait de longs cris de détresse.
    – A moi !… A l’aide !…
    Lui, exalté jusqu’à la folie furieuse, la violence de son désir exaspéré par cette résistance acharnée, il la serrait de près, ne lui laissait pas gagner un pouce de terrain. Il enjambait ou écartait à coups de pied les obstacles et il la poussait avec acharnement, cherchant à l’acculer contre l’estrade. Et, défiguré, hideux, il grognait d’une voix qui n’avait plus rien d’humain :
    – Je t’aurai !… Tu seras à moi !…
    Elle sentait ses forces s’épuiser ; elle n’en pouvait plus ; elle était à bout de souffle, ses cris se changeaient en râles.
    Il comprit qu’elle faiblissait. Il redoubla d’efforts, précipita ses attaques. Enfin, ses deux griffes s’abattirent sur ses épaules et la maintinrent. Il la tenait à nouveau. Il eut le grognement joyeux du fauve qui s’apprête à déchirer sa proie :
    – Je te tiens !… Tu es à moi !…
    Haletante, ruisselante de sueur, déchirée, meurtrie, échevelée, l’esprit chaviré, n’ayant plus une pensée lucide, l’instinct de la conservation, seul, lui fit tenter un suprême effort. Effort vain. Il la tenait bien, cette fois-ci. Alors, un nom monta de son cœur à ses lèvres et jaillit irrésistible, spontané, dans un dernier appel déchirant :
    – Jehan ! A moi, Jehan !…
    Délire ? Hallucination ? Il lui sembla qu’une voix lointaine, assourdie, tonnait dans le silence de la nuit : « Me voici ! »
    Hélas ! ce n’était qu’une illusion. Le miracle espéré ne se produisit pas. Nul sauveur n’apparut. Et le monstre, dont elle sentait le souffle rauque lui brûler le visage, le monstre raillait :
    – Appelle !… Nul ne t’entendra !… Nul ne viendra à ton secours !… Rien ne peut t’arracher à mon étreinte.
    Illusion heureuse, toutefois, car dans son cerveau prêt à sombrer dans la folie, une détente se produisit. L’aube d’une espérance, si incertaine qu’elle fût, lui donna des forces nouvelles. Avec la raison, un peu de sang-froid lui revint. Et elle se raidit, se tordit, griffant, mordant, frappant des genoux, s’acharnant inutilement à s’arracher aux serres puissantes qui la tenaient solidement. Et le même appel, plus douloureux, plus désespéré, jaillit encore une fois de ses lèvres décolorées :
    – Jehan ! A moi, Jehan !
    Concini réunit toutes ses forces. Son étreinte se fit irrésistible, indénouable, et il réussit enfin à la soulever, à l’arracher de terre. Alors, il se mit en marche vers le lit,

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