Le Gerfaut
Judith de mes amours à cette heure où je t’appelle ?
Qui pouvait le dire sans crainte de se tromper ? Très loin peut-être ou bien toute proche ? Personne n’avait reçu confidence de ses intentions. En quittant Trecesson, dans le plus grand secret d’ailleurs, elle était restée muette sur l’endroit où elle espérait trouver un refuge assez caché pour la soustraire aux fureurs de ses frères. Pourtant, elle avait laissé échapper une phrase, une toute petite phrase qui pouvait être significative.
Le meilleur refuge doit se trouver au cœur de la plus grande ville…
Et Madame de Châteaugiron en avait conclu :
— Je crois qu’elle a choisi Paris !
C’était peut-être là qu’il fallait chercher.
Résolument, Gilles remonta vers l’arbre où Merlin l’attendait. D’un geste spontané, il se pencha, baisa la joue soyeuse de l’animal qui, tendrement, frotta sa tête contre lui en montrant ses grandes dents.
— Qu’en dis-tu, mon fils ? À nous deux, rien n’est impossible et s’il faut aller au bout du monde pour la retrouver, eh bien, nous irons ! Mais, pour le moment, c’est Pontivy qui nous attend ! Allons faire connaissance avec Messieurs les Dragons de la Reine où nous avons le grade, indispensable et combien important, de lieutenant « à la suite » 1 . Après… eh bien ! nous verrons s’il est possible d’aller, au plus tôt, voir à Paris ce qui s’y passe. Après tout, nous n’avons pas encore rendu hommage à notre colonel en chef, la Reine. C’est une lacune qu’un gentilhomme se doit de combler.
Et, sautant en voltige sur le dos de son cheval qui hennit de plaisir, le chevalier de Tournemine enfonça son chapeau sur sa tête et partit au galop à travers cette lande qui, si souvent, avait porté les pieds nus d’un petit bâtard nommé Gilles Goëlo…
Les premières pousses de genêts montraient leur minuscule vert tendre, le vert même de l’espérance. Dans la campagne, l’angélus égrena ses notes mélancoliques mais douces dans l’air marin qui, bientôt embaumerait le printemps…
1 . Cela signifiait qu’il obtenait le grade mais n’exercerait le service que lorsqu’il y aurait une place vacante dans le régiment.
L’auteur
Juliette Benzoni est née à Paris. Fervente lectrice d’Alexandre Dumas, elle nourrit dès l’enfance une passion pour l’Histoire. Elle commence en 1964 une carrière de romancière avec la série des Catherine , traduite en 22 langues, qui la lance sur la voie d’un succès jamais démenti à ce jour. Depuis, elle a écrit une soixantaine de romans, recueillis notamment dans les séries La Florentine (1988-1989), Les Treize Vents (1992), Le boiteux de Varsovie (1994-1996) et Secret d’État (1997-1998). Outre la série des Catherine et La Florentine, Le Gerfaut et Marianne ont fait l’objet d’une adaptation télévisuelle.
Du Moyen Âge aux années trente, les reconstitutions historiques de Juliette Benzoni s’appuient sur une ample documentation. Vue à travers les yeux de ses héroïnes, l’Histoire, ressuscitée par leurs palpitantes aventures, bat au rythme de la passion. Figurant au palmarès des écrivains les plus lus des Français, Juliette Benzoni a su conquérir 50 millions de lecteurs dans 22 pays du monde.
© 1976, Opera Mundi
© 2012, 12-21, un département d'Univers Poche, pour l'édition numérique
Tableau de Jean-Francois Samsois (détail).
© FineArtImages / Leemag
EAN 978-2-823-80098-2
Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales
Weitere Kostenlose Bücher