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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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reproche.
    — Le reste, messire, est aisé à comprendre : la baliste lance une happe [18]  ; tandis qu’elle passe au-dessus des murailles, sa longue corde tombe et traîne dans le fossé, ou des gars l’y poussent. Alors, ils tirent dessus, et cette maudite ferraille s’agriffe où elle peut. Sitôt la prise assurée, ils commencent à grimper…
    — Ils sont fous !
    — Pas tant que ça… C’est aussi bon que les échelles.
    Armés de haches, les compagnons du sergent tranchaient les tresses de chanvre. On entendait les hurlements des assaillants précipités au sol, mais la baliste crachait toujours.
    — Crois-tu qu’il te faut des hommes en supplément ?
    — Non. Faites plutôt surveiller les autres côtés. Ils peuvent nous rassembler ici pour être plus à l’aise ailleurs.
    Tout près, adossé à un merlon, grelottant, le visage exsangue sous son chapel de fer, Griveau regardait un grappin. Raclant les dalles dans sa progression vers l’extérieur de l’enceinte, le quadruple hameçon démolissait une pyramide de rochers et de boulets, puis glissait vers le parapet auquel, infailliblement, il devait s’accrocher.
    — Saleté ! Saleté ! Tu vas voir !
    Ricanant comme un fou, le palefrenier se précipita, la hache haute, afin de trancher le câble tendu. Le temps lui échappa d’en abattre le fer : un grappin jaillit derrière lui. Une griffe d’acier s’enfonça dans un de ses houseaux, sous son jarret, tandis que la traction exercée sur la corde devenait si forte qu’elle le renversait.
    — À l’aide ! hurla-t-il en tombant.
    Devançant Ogier, Girard attrapa le rebouteux aux aisselles. Luttant pour s’éloigner de l’abîme, il trébucha contre le tas de pierres tandis que ses doigts glissaient, impuissants, sur les mailles du haubergeon dont Griveau s’était couvert.
    — Tiens bon, Girard ! cria Ogier. J’arrive !
    Hurlant de frayeur et de désespoir, le palefrenier fut traîné jusqu’au parapet. Là, il résista, une jambe roide, prenant appui contre le rebord, l’autre repliée pour qu’il pût extraire le fer crocheté dans sa jambière et sa chair. Mais on tira d’en bas et son genou craqua. Échappant aux mains du damoiseau et de Girard, il bascula dans le vide.
    Un cri d’horreur salua cette disparition tandis que le sergent, livide, éclatait en sanglots :
    — Milladious ! Ah ! c’est pas permis, des choses pareilles. S’il avait eu des chausses, le tissu se serait déchiré… Mais du cuir…
    — Allons, allons, dit Blanquefort, de loin, mets-toi à l’abri si tu tiens à ta peau !
    — Et nous ne pouvons savoir, dit Guillaume, quand ces maudits crochets cesseront de nous tomber sur le râble. Nous sommes impuissants contre cette baliste. Vu le temps qu’ils ont passé à l’assembler, elle ne doit pas être grosse, pourtant !… Demain, nous ferons un sort à ses servants, mais pour le moment, il n’y a qu’un remède : écraser ces ribauds avec nos boulets… Girard, au lieu de t’appesantir sur le sort de Griveau, cours dire aux jeunes de monter des pierres sans répit, en prenant garde à leur vie…
    Il se tourna vers les compagnons du sergent :
    — Qu’attendez-vous pour jeter tous ces rocs par-dessus bord ?
    Tandis que les hommes obéissaient, Guillaume entraîna Blanquefort et Ogier dans l’angle de la tour portant son nom :
    — L’huile est inutile, ici, vu qu’ils ne peuvent placer des échelles… Et d’ailleurs, jusqu’à ce qu’elle chauffe, leurs crochets auraient le temps de renverser les chaudrons et les trépieds ! Pas vrai ? Nous ferons dès demain bouillir de l’eau constamment.
    — Nous pourrions dès maintenant, leur envoyer quelques falariques [19] pour voir l’emplacement de leur engin.
    Comme Ogier le redoutait, la suggestion du sénéchal fut inutile. Guillaume eut un geste de rejet dont son neveu fut plus courroucé que Blanquefort.
    — Cela ne servirait à rien, Hugues. Quant à tirer au juger, ce serait mésuser de nos carreaux et sagettes sans obtenir des effets conséquents… Le mieux, voyez-vous, c’est d’attendre qu’ils en finissent. Ils seront las de perdre avant le petit jour.
    Ogier fut ébahi par tant de sérénité. Les projectiles franchissaient toujours la muraille mais du fond du fossé montaient des chocs sourds et des cris de douleur.
    — Bientôt, cria Blanquefort aux compagnons de Girard – une douzaine de maçons –, tout ira bien. Mais continuez

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